1723

Un dessus, une viole de gambe, un clavecin : au soir de sa vie, Marin Marais abandonne l’opulence à géométrie variable – un ou deux dessus sur un continuo plus ou moins profus – de ses Livres pour la viole et réunit trois œuvres antithétiques confiées au même trio. Impossible de ne pas noter comme une inclinaison soudaine vers l’Italie, ne serait-ce que par la configuration même, avec le primus du violon, mais derrière cette concession, c’est un art tout français que réaffirme Marais.

Une grande entrée, La Gamme, que Marais note « en forme de petit opéra », où la gamme est montée puis descendue, prétexte à quinze numéros qui en fait articulent quarante-cinq sections où passent danses, pièces de caractères, récitatifs, ariosos et fugues, vaste structure d’une variété expressive et pourtant d’une cohérence formelle absolue. Serait-ce le chef-d’œuvre du Marais instrumental, chefs-d’œuvre dans le sens du compagnonnage : une perfection à trois qui engloberait tout l’art de Marais, opéras compris ?

C’est peut-être ainsi que l’entendent les trois amis des Timbres, éclairant d’une touche corellienne le brio empli de charmes et d’élans de cette merveilleuse Gamme, le violon tendre de Yoko Kawakubo, la viole alerte de Myriam Rignol, le clavecin versicolore de Julien Wolfs emportant les sublimes mélodies, le giocoso teinté de nostalgie des danses, le piquant des portraits, animant le tout avec la liberté de la scène lyrique.

Puis Marais passe à l’autre extrême de son art, avec une Sonate « à la Maresienne », autoportrait de sa personne, de ses humeurs, de son art, où la finesse des traits à la Nattier se colore d’une touche d’humour, et enfin une « follia », la fameuse Sonnerie de Sainte-Geneviève du Mont de Paris, où trois notes obstinées produiront un effet hypnotique inédit dans la musique française de ce temps, partition qu’en son temps Reinhard Goebel exhuma. Dans la Sonate comme dans la Sonnerie, Les Timbres savent aller du tendre à l’étrange, de l’intime à l’abstrait, quel dommage que Marais n’ait pas écrit plus pour leurs trois instruments !

LE DISQUE DU JOUR

Marin Marais (1656-1728)
La Gamme, et autres morceaux de simphonie pour le violon, la viole et le clavecin – Paris, 1723

Les Timbres

Un album du label Château de Versailles Spectacles CVS074
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Photo à la une : l’ensemble Les Timbres – Photo : © Catherine Marey