Psyché retrouvée

Privé de Quinault, tombé en disgrâce auprès de la Montespan qui avait cru se reconnaître sous les traits de Junon trompée dans l’intrigue d’Isis, le précédent opéra du Florentin, Lully dut trouver au débotté un librettiste et un sujet pour son nouvel ouvrage. Impossible de rompre le rythme annuel qui lui était vital, où son inspiration se ressourçait.

Pourquoi ne pas revenir à Psyché, lui souffla Thomas Corneille. Lully avait écrit quelques musiques pour cette tragédie-ballet, occasion de son ultime collaboration avec Molière avant la brouille des deux Baptiste, où parut le jeune Quinault, mettant sa plume aux airs (et Lully très probablement lui-même aux arias italiennes), alors que l’illustre Pierre Corneille, frère aîné de Thomas, suppléait Molière, pris de court, pour les vers des quatre derniers Actes.

Lully dût éprouver un certain plaisir au demi-caractère que Thomas Corneille infusa avec Fontenelle à un livret aussi brillant que vite troussé, comédie entre des Dieux et une mortelle, pleine de doubles sens, de sous-entendus, d’enlèvement spectaculaire et de palais enchanté, d’un ton léger qui conservait un peu du divertissement initial, jusqu’aux figures de la comédie italienne qui paraîtront lors du divertissement final.

Cette tragédie lyrique très peu tragique jusque dans son acte infernal est aussi singulière que merveilleuse. Christophe Rousset, rompu à Lully, en trouve l’élégance poétique, le ton badin, la haute fantaisie, animant un orchestre virtuose et sensible qui restitue avec brio autant la forge des cyclopes dont l’effet fit grand bruit à la création au château de Saint-Germain-en-Laye le 19 avril 1678, que le tableau des enfers, plus mélancolique que sinistre.

Touchante Psyché, Ambroisine Bré l’est absolument (écoutez seulement « Par quels noirs et fâcheux passages » de l’Acte IV), alliant la récitation noble et le chant diseur (elle assure également l’air de La Femme affligée à l’Acte I), face à un Amour en jeune homme un peu benêt subtilement campé par Cyril Auvity et la Vénus jalouse, vénéneuse, de Bénédicte Tauran.

Une troupe inspirée les entoure, faisant briller ce bijou secret du théâtre lullyste enfin fêté à sa juste valeur.

LE DISQUE DU JOUR

Jean-Baptiste Lully
(1632-1687)
Psyché, LWV 56

Ambroisine Bré, mezzo-soprano (Psyché, Une femme affligée)
Cyril Auvity, ténor (Vertumne, Amour en jeune homme, Mercure)
Bénédicte Tauran, soprano (Vénus, Une muse)
Robert Getchell, ténor (Vulcain, Un homme affligé, Une furie)
Deborah Cachet, soprano (Amour, Aglaure, Une nymphe)
Eugénie Lefebvre, soprano (Flore, Cidippe, Une seconde nymphe,
Une seconde muse)

Philippe Esthéphe, baryton (Jupiter, Un homme affligé, Un premier satyre)
Anas Séguin, baryton (Lycas, Le Roi, Momus, Le Fleuve, Une troisième furie)
Matthieu Heim, baryton-basse (Mars)
Fabien Hyon, ténor (Palémon, Silène, Zéphire, Une seconde furie, Bacchus)
Zachary Wilder, ténor (Apollon, Zéphire, Un second satyre)
Dominique Bonnetain, ténor
Benoît Porcherot, ténor

Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction

Un album de 2 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS086
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Photo à la une : le claveciniste et chef Christophe Rousset – Photo : © DR