Glazounov en Bavière

Les symphonies de Glazounov restèrent longtemps le trésor le mieux caché de la littérature symphonique russe : Nathan Rachlin et Boris Khaikhin furent leurs premiers apôtres en U.R.S.S., vite suivis par Akuloff et Ivanoff, puis Rozhdestvensky et Svetlanov gravèrent deux intégrales mémorables qui à mon sens furent dépassées par la lyrique tendre, les élans subtils de Vladimir Fedosseyev. Ce corpus aussi admirable que méconnu, chainon essentiel ente le cycle de Tchaïkovski et ceux des compositeurs soviétiques, allait-il rester la propriété des orchestres russes ?

En 1993, l’infatigable Neeme Järvi relevait le défi : il enregistra les huit Symphonies et quelques pièces de caractère (dont les irrésistibles Valses de concert, musique d’un monde en train de sombrer où l’allégresse même n’est que nostalgie) en les partageant entre deux phalanges allemandes, les Bamberger Symphoniker et l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise : inutile de préciser que ces œuvres n’étaient pas leur pain quotidien.

Pourtant le style parfait, l’intensité expressive du jeu des orchestres savamment différenciés, la poésie lyrique fondatrice du discours orchestral de Glazounov, tout est là, en plus d’une prise de son superlative.

Le recours aux deux orchestre est un avantage supplémentaire : aux Bamberger Symphoniker, une certaine alacrité, le charme de bois un peu « tchèques » et d’un quatuor de cordes lumineux qui fait merveille surtout dans les deux symphonies « pastorales », la No. 4 et la No. 7, aux Munichois les hymnes ardents de la Première Symphonie ou le plaidoyer héroïque pour la persistance de la symphonie romantique qu’est la Huitième, partition flamboyante, peut-être la moins russe (j’y entends des inspirations proches de celles de la 2e Symphonie d’Elgar) et la plus russe tout à la fois par son ton de conte, sa narration enfiévrée.

Le cinquième disque, consacré à des pièces brèves confiées aux Munichois contient trois merveilles : le Poème lyrique, et les deux Valses de concert. Si vous ne connaissez rien de l’orchestre de Glazounov, commencez par-là, laissez-vous apprivoiser, puis tentez la 7e Symphonie ou la 4e : le génie mélodique du compositeur y est irrésistible.

LE DISQUE DU JOUR

Alexandre Glazounov
(1865-1936)
Les Symphonies (Intégrale)
No. 1 en mi majeur, Op. 5 « Slavyanskaya »
No. 2 en fa dièse majeur, Op. 16
No. 3 en ré majeur, Op. 33
No. 4 en mi bémol majeur, Op. 48
No. 5 en si bémol majeur, Op. 55
No. 6 en ut mineur, Op. 58
No. 7 en fa majeur, Op. 77 « Pastora’nayal” »
No. 8 en mi bémol majeur, Op. 83

Ouverture solennelle, Op. 73
Poème lyrique, Op. 12
Valse de concert No. 1 en ré majeur, Op. 47
Valse de concert No. 2 en fa majeur, Op. 51
Procession nuptiale, Op. 21

Bamberger Symphoniker
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Neeme Järvi, direction

Un coffret de 5 CD du label Orfeo C977195
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Photo à la une : le chef d’orchestre Neeme Järvi – © Simon van Boxtel