La meurtrière

Max von Schillings l’avait voulu au point d’en ravir les créations à Franz Schalk, y trouvait-il quelques échos à sa Mona Lisa ? Les deux partitions offrent de troublants parallèles. Pourtant, Fredigundis était destiné à l’Opéra de Vienne, Franz Schmidt espérant renouveler le succès de Notre-Dame, créé in loco huit ans plus tôt.

Las !, la première à l’Opéra de Berlin le 19 décembre 1922 ne fut pas loin d’être un four, Clemens Krauss, remplaçant Schalk au pied levé, tentera de lui donner une seconde chance en assurant la création viennoise deux années plus tard : succès d’estime. Pour ce qui est de l’opéra selon Franz Schmidt, les lyricophiles, viennois ou pas, en restèrent donc à Notre-Dame.

Le revival radiophonique tenté en 1979 par Ernst Märzendorfer, étayant sa lecture sur la partition annotée par Clemens Krauss qui fut son professeur, ne connut aucun lendemain, injustice, tant l’interprétation enfin révélée ici d’après les bandes originales – une médiocre édition LP sous étiquette Voce avait fugitivement paru – est transcendante. Direction inspirée certes, emportant de plus une distribution idéale.

Au sommet de son art – elle était la Kundry de KarajanDunja Vejzović trace un stupéfiant portrait vocal de la séductrice meurtrière face au Praetextatus subtilement incarné (et chanté avec ce ténor de grâce qui lui permettait aussi de s’approprier les rôles mozartiens) par Werner Hollweg. Remarquable aussi le Childéric de Martin Egel.

La partition est fascinante, du tout grand Schmidt : écoutez seulement la scène du troisième acte entre Fredigundis et Childerich, où un glockenspiel obsessionnel décrit les effets du poison sur le roi mérovingien, pas si loin de ce qu’aurait pu imaginer Franz Schreker s’il avait mis en musique le beau livret de Bruno Warden et Ignaz Michael Welleminsky.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schmidt (1874-1939)
Fredigundis

Dunja Vejzović, [mezzo-]soprano (Fredigundis)
Martin Egel, baryton-basse (Chilperich)
Werner Hollweg, ténor (Landerich, l’évêque de Rouen)
Reid Bunger, baryton-basse (Drakolen)
Olga Sandu, contralto (Rulla)
Wolfgang Witte, baryton (Premier homme armé)
Robert Riener, baryton (Second homme armé)
Neven Belamarić, baryton (Troisième homme armé)

ORF Chor
ORF Wien Radio-Sinfonie-Orchester
Ernst Märzendorfer, direction

Un album de 2 CD du label Orfeo C380012
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Photo à la une : Franz Schmidt avec le chef d’orchestre Oswald Kabasta avant la première de « Das Buch mit sieben Siegeln » en 1938 –
Photo : © Imagno/Getty Images