Espoirs déçus

Je l’espérais ce Céphale et Procris que le disque attendait depuis la modeste version princeps gravée en 2008 pour l’ORF par l’équipe de Musica Fiorita et Daniela Dolci. Enfin, la partition était promise dans sa vêture complète, François Saint-Yves s’étant attelé à la recomposition des parties manquantes du chœur comme de l’orchestre.

Las !, un écueil vient illico me froisser les tympans : Reinoud Van Mechelen a opté pour la prononciation historiquement informée, allégeant tout de même un peu la caricature qu’en a autorisé Eugène Green. Cette « prononciation baroque » fait un hiatus terrible avec les subtilités dont Élisabeth Jacquet de La Guerre a habillé sa partition. Un livret modeste qui éloigne l’impact du drame, une fin funeste auront fait passer aux oubliettes cette passionnante tragédie lyrique où Élisabeth Jacquet de La Guerre délasse ses liens avec le modèle lullyste.

Cela, Reinoud Van Mechelen, chef aussi d’un ensemble instrumental hélas assez gris, le fait entendre au minima, alors qu’il incarne avec aplomb de sa belle haute-contre Céphale face à la Procris impérieuse de Deborah Cachet, dont la grande diction a raison des idiosyncrasies de la méthode. À elle tous les lauriers, moins aux chanteuses tirées du chœur qui, pour les nombreuses petites scènes encore très lullystes (mais avec déjà des libertés), ternit le cortège des voluptés et des plaisirs dont Iphis veut consoler Procris en vain.

Une incarnation majeure, L’Aurore d’Ema Nikolovska, Gwendoline Blondeel séduisante comme toujours à chacune de ses apparitions, Marc Mauillon qui d’un mot éclipse les scories de la prononciation baroque (car il l’incarne et ne s’y prend la voix ni dans les notes, ni dans les syllabes), remboursent un brin de l’autre écueil.

Pour ceux qui auront encore dans l’oreille le geste emporté (et certes imparfait) de Jean-Claude Malgoire, la pâle battue de Reinoud Van Mechelen, le maigre orchestre malgré le style, laissent espérer que demain une autre proposition rendent justice à cette tragédie lyrique majeure, qu’un obscur malheur semble poursuivre.

LE DISQUE DU JOUR

Élisabeth Jacquet de
La Guerre
(1665-1729)
Céphale et Procris

Reinould Van Mechelen, ténor (Céphale, Nerée)
Ema Nikolovska,
mezzo-soprano (L’Aurore)
Deborah Cachet,
soprano (Procris)
Lore Binon, soprano (Flore, Dorine)
Gwendoline Blondeel, soprano (Iphis, La Prêtresse, Une nymphe)
Marc Mauillon, ténor (La Jalousie, Un Dieu de la mer, Un Thrace)
Lisandro Abadie, baryton-basse (Borée, Pan)
Samuel Namotte, baryton (Arcas)
Wei-Lian Huang, soprano (Une nymphe, Une Athénienne, Une suivante de la Volupté)
Pauline de Lannoy, mezzo-soprano (Une Athénienne, Une bergère)
Gert-Jan Verbueken, ténor (Un pâtre, La Rage)
Laurent Bourdeaux, baryton (Le Roi, Le Désespoir)

Chœur de Chambre de Namur
a nocte temporis
Reinoud Van Mechelen, direction

Un album de 2 CD du label Château de Versailles Spectacles CVS119
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Photo à la une : Philippe de Champaigne (1602-1674), Céphale et Procris dans un paysage