La Nymphe des bois

Au centre des tumultes de La Nymphe des bois, l’autre opus majeur avec Kullervo où le jeune Sibelius invente sa syntaxe, un extatique solo de violoncelle sur des pizzicatos de cordes suspend le temps, moment hypnotique où la nymphe séduit le jeune homme avant de lui infliger son étreinte mortelle. Cette autre Lorelei aura inspiré à Sibelius une vaste partition, vingt-trois minutes, emportée par une chasse tragique et une danse de nains maléfiques, dont l’écriture en ostinato ose une sidérante modernité.

L’œuvre aura connu plusieurs moutures, dont un mélodrame plus étendu avec récitant, Sibelius tenant à sa partition au point d’arranger toute la fin de l’œuvre pour le piano, cela à son usage domestique. Tout avait commencé par une mise en musique du poème de Viktor Rydberg, dont l’érotisme noir appelait d’autres développements : la mélodie ne pouvait enclore tant de promesses, le poème symphonique atteindra une perfection formelle annonçant les récits orchestraux d’En Saga, de La Fille de Pohjola. Il reste pourtant méconnu, Santtu-Matias Rouvali en offre la troisième version discographique, la plus percutante, imposant les images par les sons, incarnant dans les notes cet Eros et Tanatos finnois, rendant justice au génie qui anime cette œuvre, avec le si éloquent violoncelle solo de l’orchestre, Claes Gunnarsson.

C’est la perle noire de ce disque où le jeune chef finnois passe, à mon sens, à côté des abimes de la Quatrième Symphonie, lecture analytique, froide, sans vertige et pliant dans un métronome inflexible la coda du Finale qui doit s’ouvrir allargando.

Ce ne sera pas la première fois que je l’écrirais sinon pour le dernier volume qui offrait de vraies propositions pour les 3e et 5e, mais les poèmes symphoniques avivent son art plus que les symphonies. Demain Tapiola devrait être saisissant, à l’image de cette Valse triste avec la mort (Kuolema), méphitique jusque dans ses silences et ses deux derniers coups d’archets.

LE DISQUE DU JOUR

Jean Sibelius (1865-1957)
Symphonie No. 4 en la mineur, Op. 63
La Nymphe des bois, Op. 15
Valse triste, Op. 44 No. 1
(extrait de « Kuolema »)

Orchestre Symphonique de Göteborg
Santtu-Matias Rouvali, direction

Un album du label Alpha Classics 1008
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Photo à la une : le chef d’orchestre finlandais Santtu-Matias Rouvali – Photo : © Marco Borggreve