Doublé parfait

Ecoutez la guitare qui fait danser l’Assez vif du Quatuor de Debussy, ces pizzicati esquissent une danse, avant que Debussy n’élève ses portées vers ce ciel d’Île-de-France, où les quatre archets saisissent ces bleus, ces nacres, cette lumière, comme venus directement sur la page de musique des cieux de Monet ou de Sisley. Mais quel autre ensemble aura mis tout ce cœur de nuit dans les premières mesures de l’Andantino ?

Il y a plus qu’une interprétation ici pour le premier chef-d’œuvre de Debussy, une adéquation, que le film de Bruno Monsaingeon, dont le fil rouge est un dialogue amical et pourtant serré avec Jordan Victoria, explicite : la préparation fanatique des quatre amis, chaque note pesée, chaque regard de l’un à l’autre pour trouver l’équilibre de l’harmonie et en délivrer l’éloquence, chaque idée du silence ou de l’envol, c’est selon, et pour le Quatuor de Ravel cette tendresse que tant auront voulu ne pas entendre, cette cambrure délicate de l’Assez vif avec de l’air frais qui passe entre les pupitres et dont les archets se régalent avant le morne du Très lent où se tissent ces reflets sombres avec le « doucement expressif » du Quatuor de Debussy, avant l’exultation solaire du Finale, course ici plus sombre qu’à l’habitude ; la coda semble un saut vers l’inconnu jusque dans son « à bout de souffle ».

Entre ces deux chefs-d’œuvre, Al’ Asr de Benjamin Attahir peine, fatalement peine, injustice que mes écoutes répétées n’ont pas amendée. Comme j’aurais préféré que les quatre amis confient au micro cet opus de György Kurtág où les guide le compositeur dans le film de Bruno Monsaingeon.

LE DISQUE DU JOUR

Claude Debussy (1862-1918)
Quatuor à cordes en sol mineur, Op. 10, CD 91, L. 85
Benjamin Attahir (né en 1989)
Al’ Asr. Quatuor à cordes
Maurice Ravel (1875-1937)
Quatuor à cordes en fa majeur, M. 35

Quatuor Arod

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Photo à la une : les membres du Quatuor Arod – Photo : © Laure Bernard