Le Pragois de New York

Karel Husa vivait depuis 1954 aux États-Unis lorsque les chars soviétiques mirent fin au Printemps de Prague. Dans son exil américain où il était un compositeur fêté, honoré par le prix Pulitzer, devenu une figure majeure de la scène musicale contemporaine outre-Atlantique, la blessure n’en fut que plus vive. Il avait commencé à répondre à une commande de l’Orchestre d’Harmonie du Collège Ithaca en composant un concerto pour instruments à vent, où il recherchait de nouveaux alliages sonores. L’œuvre se métamorphosa en une vaste protestation dictée par les événements tragiques qui ensanglantaient la capitale de la Tchécoslovaquie.

Husa étendit l’année suivante la Music for Prague au grand orchestre symphonique, couleurs plus diffractées, élargissement de la palette expressive, creusement de l’espace sonore, la virulence de l’original pour ensemble d’instruments à vents s’était muée en un requiem sans mots. Cette œuvre qui devint l’emblème de son art marquait aussi un point de non-retour : le compositeur s’y engageait sur la voie d’une abstraction lyrique qu’illustre la 2e Symphonie par laquelle Tomáš Brauner ouvre son disque.

Partition énigmatique qui ne craint pas l’assèchement : la maîtrise des formes et des canons hérités du Baroque – Husa édita quelques maîtres du Grand Siècle français – conduit à des paysages sonores lunaires que l’Interlude de Music for Prague annonçait déjà.

Les Trois Fresques (1947) remontent à l’époque du séjour parisien, lorsque Karel Husa prenait des cours de composition avec Arthur Honegger et Nadia Boulanger, étudiant la direction d’orchestre avec André Cluytens.

Leurs orchestrations raffinées mais sombres souvent, leur motorisme, une certaine inquiétude fébrile montrent en germe cet art singulier qu’il est temps de redécouvrir : interprétations parfaites – les Fresques sont enregistrées en première mondiale – qui laisse espérer que Tomáš Brauner et son orchestre continueront d’explorer le catalogue symphonique d’un compositeur en passe d’être oublié.

LE DISQUE DU JOUR

Karel Husa (1921-2016)
Symphonie No. 2
« Réflections »

Trois fresques
Music for Prague 1968

Orchestre Symphonique de Prague
Tomáš Brauner, direction

Un album du label Supraphon SU4294-2
Acheter l’album sur le site du label Supraphon, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : le chef d’orchestre Tomáš Brauner –
Photo : © Ondřej Melecký