Les trois âges

Le titre de l’album, dévié de celui du plus célèbre opus du Prêtre Roux n’en fait pas mentir le sujet. Ce voyage éclairé déroule un fil rouge entres les trois périodes distinctes qui ont fait varier non la syntaxe vivaldienne, d’emblée clairement ancrée, mais son sensible.

Les opus de jeunesse montrent cette dilection particulière pour l’invention, le goût des surprises, une fantaisie alerte où pas une ombre ne paraît. C’est le virtuose qui se saisit de ce concerto vénitien, qu’avec Marcello et Albinoni il aura fait émerger de la lagune, une fête débordée déjà de couleurs que Giuliano Carmignola célèbre d’un archet brillant, ivre plus d’une fois de tant de soleil dans les écrins dorés où l’enchâssent l’Accademia dell’Annunciata et Riccardo Doni.

La première maturité impose une autre esthétique, autant de concertos dramatiques, rappelant qu’entre temps l’opéra a envahi le catalogue vivaldien, faisant de son violon une prima donna. Des teintes plus sombres s’invitent, surtout le discours s’intensifie et l’harmonie elle-même se charge d’affects que le violon lisse en phrasés ou déploie en roulades dans un orchestre de plus en plus symphonique. Mais même là, le violoniste équilibre son jeu entre ferveur et splendeur, espressivo et méditation : les Largos, les Adagios sont sous son archet de vrais airs d’opéra où s’invitent autant des personnages que l’écho sonore de la Sérénissime.

L’ultime période émancipe le violon des propres canons que Vivaldi avait développés, l’écriture se charge en traits revêches (et d’une difficulté diabolique qui semble répondre aux nouveaux défis posés par la jeune génération menée par Pietro Locatelli). Surtout une tourmente gagne chaque concerto, assombrissant le discours jusque dans l’élévation spirituelle de certains, une intranquillité qui rapproche l’ultime Vivaldi de ce Sturm und Drang qui paraît de l’autre côté des Alpes. Cet espressivo trouve en Giuliano Carmignola mieux qu’un interprète, un créateur qui aura fait de l’univers Vivaldi le cœur battant de son art, enfin magnifié par cette Accademia dell’Annunciata débordée de couleurs, en idéale harmonie avec son violon éloquent.

Belle édition. Lisez le long entretien accordé par le violoniste à Massimo Rolando Zegna.

LE DISQUE DU JOUR

The Three Seasons
of Antonio Vivaldi

Antonio Vivaldi (1678-1741)

CD 1
Concerto pour violon
en la majeur, RV 343

Concerto pour violon
en ré mineur, RV 240

Concerto pour violon
en ré majeur, RV 230

Concerto pour violon en sol mineur, RV 332
Concerto pour violon en mi majeur, RV 265
Concerto pour violon en ré majeur, RV 210

CD 2
Concerto pour violon en ut majeur, RV 189
Concerto pour violon en sol mineur, RV 333
Concerto pour violon en fa majeur, RV 289
Concerto pour violon en ut mineur, RV 197
Concerto pour violon en sol mineur, RV 330
Concerto pour violon en si bémol majeur, RV 380

CD 3
Concerto pour violon en ut mineur, RV 201
Concerto pour violon en si bémol majeur, RV 371
Concerto pour violon en la majeur, RV 353
Concerto pour violon en si bémol majeur, RV 367
Concerto pour violon en sol mineur, RV 327
Concerto pour violon en si bémol majeur, RV 380
Concerto pour violon en si mineur, RV 390

Giuliano Carmignola, violon
Accademia dell’Annunciata
Riccardo Doni, direction

Un album de 3 CD du label Arcana A550
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Photo à la une : le violoniste Giuliano Carmignola – Photo : © DR