Sturm und Drang

Vous avez dit Hammerklavier ? Le splendie Graf de 1819 qui a inspiré à Paul McNulty l’instrument stupéfiant que fait rugir Tomasz Ritter dans la Fantaisie de Franciszek Lessel, dit tout des nouveaux mondes que les claviers laissaient entrevoir à l’ultime Beethoven.

C’est dans les promesses de ce devenir que le jeune pianiste polonais fait jaillir la fureur de cette Fantaisie qui ouvre comme une bombe ce disque vertigineux. Quel caractère, quelle autorité, quel sens des contrastes pour un opus qui ressuscite les vertiges du Sturm und Drang. Les mêmes feux arderont la capricieuse Fantaisia de Haydn, déviée de son simple caractère de divertissement, mise dans le souffre, diabolisée, et devenue irrésistible, bien autre chose que la fantaisie charmante qu’on croyait.

Classique ? Sturm und Drang je vous dis, comme la Sonate de Voříšek dont l’introduction est restituée, Sonata quasi una fantasia (assertion aussi utilisée par Beethoven) où Voříšek invite une scène d’opéra, récitatif, aria, cabalette, qui rappellent que les génies des Moraves inspira toujours Beethoven, qui, lui, sera plus fantasque, ce que les Variations en ut mineur laissent entendre dans la dislocation progressive de la matière parfaite qui ouvre l’œuvre. Vite, le caractère disperse le jeu classique, aussi aventureusement qu’il le sera dans les Diabelli. Dommage que le plageage unique n’autorisent pas les allés et retours qu’une écoute toujours surprise autoriserait.

Final logique – contre ce que l’on pourrait supposer – chez Chopin, ce fantasque né classique, et là l’instrument parle quasi simplement de lui-même : écoutez le trait envolé dans la una corda à la coda du Nocturne en ut dièse mineur, écoutez comme le clavier chante, vrai gondolier, dans cette barcarolle qu’est le Nocturne en si bémol mineur, avant que Tomasz Ritter ne fulgure ce Scherzo en si mineur, si dangereusement au bord du gouffre, admirable pianiste doublé d’un musicien transcendant.

LE DISQUE DU JOUR

Fantaisies

Franciszek Lessel
(1780-1838)
Fantaisie en ut majeur, Op. 8
Joseph Haydn (1732-1809)
Fantasia en ut majeur, Op. 58, Hob. XVII:4 « Capriccio »
Jan Václav Voříšek
(1791-1825)
Introduction à la Sonate, Op. 20
Sonata quasi una fantasia en si bémol mineur, Op. 20
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
32 Variations sur un thème original en ut mineur, WoO 80
Frédéric Chopin (1810-1849)
Nocturne en ut dièse mineur, B. 49 (Lento con gran espressione)
Nocturne en si bémol mineur, Op. 9 No. 1 (Larghetto)
Scherzo No. 1 en si mineur, Op. 20

Tomasz Ritter, pianoforte (Graf, 1819)

Un album du label de l’Institut Chopin de Varsovie NIFCCD146
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Photo à la une : le pianofortiste Tomasz Ritter –
Photo : © Wojciech Grzędziński