Retour au pays natal ?

Londres, Paris, Milan l’auront vu, et surtout entendu !, acceptant enfin de jouer à nouveau en dehors des États-Unis, mais le but était ailleurs, et double, Moscou et Saint-Pétersbourg, retour dans cette Russie qu’il aura toujours abjurée d’être devenue ce cauchemar d’U.R.S.S.

Octogénaire, foulant la scène de la salle du Conservatoire de Moscou, il devait se rappeler d’abord de son enfance ukrainienne, de ses années d’apprentissage à Kiev, puis de l’enseignement de Blumenfeld. Le reste appartenait à l’histoire, et avait déterminé la sienne.

Sa Russie avait disparue. Peu importe, il la ramenait avec lui dans son piano, égrenant des perles avec un art discret, une magie un peu diabolique, et des libertés de dictions, d’accents, de couleurs, en fait tout un art de chanteur que les pianistes soviétiques des années 1980 avaient oublié. Mais Horowitz, lui, se souvenait de Simon Barere, Ukrainien comme lui, et savait que Sofronitzky, Judina, Ginzburg, Grinberg avaient fait perdurer le souvenir d’un âge d’or dont il était l’ultime preuve.

À Moscou, une liberté supplémentaire s’ajoute, trois Scarlatti dorés à l’or fin, un Mozart spirituel (dans les deux sens du terme), très Chérubin, des Russes gorgés de couleurs et chantés dans la profusion des timbres avec des aigus de cloche (pur onirisme le Prélude en si bémol majeur de Rachmaninov, en bis Étincelles de Moszkowski), tout cela attendu, et surtout réalisé avec cette précision, cette exactitude qui ne corsettent rien.

Mais ouvrant la seconde partie, cet Impromptu de Schubert venu de loin et qui danse sur un fil, si ce n’est pas toucher au cœur ! Autre merveille, le bouquet Chopin, deux Mazurkas d’un même geste, vives et nostalgiques, et le rugissement de la Polonaise en la bémol majeur qui se cabre et qu’Horowitz plie à ses moyens, la disant dans ses plus impérieux accords.

Concert magique, heureusement saisi par la caméra de Brian Large, un peu contrainte, que l’on devra autant voir qu’entendre, agrémenté de deux interventions d’Horowitz. L’édition en Blu-Ray augmente les sortilèges.

LE DISQUE DU JOUR

Horowitz in Moscow

Domenico Scarlatti
(1685-1757)
Sonate pour clavier en si mineur, K. 87, L. 33
Sonate pour clavier en mi majeur, K. 380, L. 23
Sonate pour clavier en mi majeur, K. 135, L. 224
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate pour clavier No. 10 en ut majeur, K. 330
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Prélude en sol majeur, Op. 32 No. 5
Prélude en sol dièse mineur, Op. 32 No. 12
Polka de W.R.
Alexandre Scriabine (1872-1915)
Etude en ut dièse mineur, Op. 2 No. 1
Etude en ré dièse mineur, Op. 8 No. 12
Franz Schubert (1797-1828)
Impromptu en si bémol majeur, D. 935/3
Franz Liszt (1811-1886)
Soirées de Vienne, S. 427, d’après Schubert (extrait : No. 6 )
Sonetto 104 del Petrarca (No. 5, extrait des « Années de pèlerinage II, S. 161 »)
Frédéric Chopin (1810-1849)
Mazurka en ut dièse mineur, Op. 30 No. 4
Mazurka en fa mineur, Op. 70 No. 3
Polonaise en la bémol majeur, Op. 53 « Héroïque »
Robert Schumann (1810-1856)
Träumerei (No. 7, extrait des « Kinderszenen, Op. 15 »)
Moritz Moszkowski (1854-1925)
Étincelles. Allegro scherzando (No. 6, extrait des « 8 Morceaux caractéristiques, Op. 36, MoszWV 20 »)

Vladimir Horowitz, piano

Un Blu-Ray du label C Major Entertainment 761804
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Photo à la une : le pianiste Vladimir Horowitz