Théâtre et Chapelle

Jolie idée, Lucile Tessier et son Ensemble Leviathan herborisent dans les musiques de scènes de Purcell et de ses contemporains ; aux côtés de pages tirées de Fairy Queen et d’ouvrages moins courus de l’auteur de King Arthur, John Blow et Matthew Locke mettent leur théâtre tour à tour tendre ou brillant, et même John Eccles, ce génie méconnu, paraît lors d’un spectaculaire air de folie tiré de son Cyrus the Great emporté avec verdeur par le dessus mordant d’Eugénie Lefebvre.

Voilà qui laisse espérer le temps enfin venu pour l’exploration des ouvrages de l’auteur d’une Semele qui, en des termes tout différents, ne cède rien devant celle de Haendel (voir ici).

Fil rouge français dans cette galerie anglaise où les merveilles abondent, Lully étant l’une des sources d’inspiration des masques et autres musiques de scène londoniennes. Un hypnotique sommeil d’Atys impose au centre de l’album une dimension onirique qui soudain résonne assez proche de la part la plus intime de l’univers de Purcell. Bien vu, défendu avec autant de lyrisme que de caractère par quatre chanteurs inspirés : la douceur du haute-contre de Clément Debieuvre produit dans ce sommeil un effet d’irréalité qui se prolonge dans la réponse de David Witczak, la flûte de Sébastien Marq ajoutant le paysage aux mots. Et bravo à la petite équipe réunie autour du clavecin de Clément Geoffroy.

Si Leviathan prenait les clefs des univers de Blow et de Croft de la main de Lully, Justin Doyle et ses Berlinois introduisent trois Coronation Anthems de Haendel en les mettant en regard d’une partition tout aussi festive de son contemporain William Croft.

La majesté orante de Zadok the Priest émergeant de son brouillard de cordes étonne par son ampleur, le ton majestueux n’oublie pourtant pas les affects, mais comment ne pas entendre le geste fluide et joueur de Justin Doyle mieux accordé aux deux autres pages, surtout au moins couru Let thy hand be strengthened. Pourtant, ce sera d’abord à l’opus de William Croft, composé pour la cérémonie de couronnement de George Ier, à ses élans d’hymne, à sa lyrique profuse où passent des souvenirs de Blow et de Purcell, que vous irez pour découvrir un des maîtres de la musique anglaise du début du XVIIIe siècle dont l’œuvre n’est pas encore assez illustrée au disque.

LE DISQUE DU JOUR

Music for Lady Louise

John Blow (1649-1708)
Extraits de : Venus and Adonis, An Ode on the Death of
Mr. Henry Purcell
Jean-Baptiste Lully
(1632-1687)
Extraits de : Alceste ou le Triomphe d’Alcide, Atys,
Le grand divertissement Royal de Versailles, Roland

Matthew Locke (ca. 1621-1677)
Extraits de : The Tempest, Psyche
Henry Purcell (1659-1695)
Extraits de : Timon of Athens, Bonduca or the British Heroine,
Theodosius or The Force of Love, The Fairy Queen

Anonyme
De foolish English nation, extrait de « The Comical History of Don Quixote »
Forth from the dark and dismal cell
Samuel Akeroyde (fl. 1684-1706)
A new song sung by a fop newly come from France
John Eccles (1668-1735)
Extrait de : Cyrus the Great, or The Tragedy of Love

Ensemble Leviathan
Lucile Tessier, direction
Un album du label harmonia mundi HMM916119
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Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
An Occasional Oratorio,
HWV 62 (extraits orchestraux)

Zadok the Priest, HWV 258
Let thy hand be strengthened, HWV 259
The King shall rejoice,
05HWV 260

My heart is inditing, HWV 261
William Croft (1678-1727)
The Lord is a sun and a shield
John Blow (1649-1708)
Chaconne en sol majeur

RIAS-Kammerchor
Akademie für Alte Musik Berlin
Justin Doyle, direction
Un album du label harmonia mundi HMM902708
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Photo à la une : la haute-contre Clément Debieuvre – Photo : © DR