La mélodie toute simple qui ouvre l’Opus 38, à peine une mélodie, un petit motif dont Vittorio Forte savoure le ressac, l’animant subtilement entre ses deux mains, est devenue la signature sonore de l’univers Medtner, le parant de nostalgie.
On est loin des averses de petites notes qui seront l’élément décisif de son style, mais la part splénétique de la psyché du compositeur s’y résume, qui donne le ton de ce premier cahier des Mélodies oubliées.
Vittorio Forte les joue en poète, les éclairant par touches subtiles, ne se perdant jamais dans les lacis des contre-chants et infusant une nuance de tendresse qui parfois, dans la complexité des harmonies, fait surgir comme le souvenir des échelles dorées si chères à Gabriel Fauré. C’est vraiment bien vu, jusque dans cette persistance de la nostalgie qui ne cédera qu’au carillon de la Danza festiva avec son faux air de tarentelle : comme il l’enlève !
Tout au long du disque, les affinités électives entre l’imaginaire somptueux de cet univers et la nature même du jeu du pianiste sont évidentes, jusque dans ce qui en constitue l’opus majeur, les Contes (Skazki) de 1928, où Medtner plus d’une fois s’amuse à parodier Rachmaninov. L’humour, la poésie, ce mélange de complexité et d’émotion, qui l’aura saisi avec tant de finesse ? Écoutez le volando du Presto.
En écho aux Quatre fragments lyriques, Vittorio Forte clôt son récital par une transcription de sa main de La Muse, enclosant dans le seul piano la déclaration de Pouchkine que Medtner avait mise en musique : ses mélodies, pourtant aussi belles que celles de Rachmaninov, restent la part la plus méconnue de son œuvre.
LE DISQUE DU JOUR
Nikolai Medtner (1880-1951)
Mélodies oubliées I, Op. 38
4 Fragments lyriques, Op. 23
6 Skazki, Op. 51
La Muse (No. 1, extrait des « 7 Poèmes d’après Pouchkine, Op. 29 » – arr. pour piano seul : Vittorio Forte)
Vittorio Forte, piano
Un album du label Odradek Records ODRC0430
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Photo à la une : le pianiste Vittorio Forte – Photo : © DR