Chants de l’Aude

Comment Paul Lacombe peut-il demeurer cet illustre inconnu, alors que l’on a revisité la musique française du tournant du XIXe siècle, de Cécile Chaminade à Benjamin Godard ?

Son ancrage dans sa ville natale de Carcassonne, son dédain des honneurs (il en récolta pourtant, chevalier de la Légion d’honneur, correspondant de l’Académie des Beaux-Arts et j’en passe), le peu d’entrain qu’il mit à fréquenter les salons lors de ses rares séjours parisiens, sa formation même, qu’il ne dut qu’à Bizet, l’auront placé d’emblée dans la marge. Mais la Société Nationale de Musique créa quantité de ses oeuvres sous les regards attentifs et souvent admiratifs de Saint-Saëns, Lalo et surtout Gabriel Fauré.

L’Ariégeois pouvait se reconnaître dans l’admirable Quatuor avec piano, empli de paysages et de couleurs, cachant en son centre un Lentement et très soutenu qui frôle le chef-d’œuvre, tout comme dans sa Sonate pour violoncelle et piano.

Qu’une musique d’une telle qualité d’écriture, d’un flot mélodique si assuré, qui semble se placer naturellement entre les opus d’Ernest Chausson et ceux de Gabriel Fauré, soit passée sous les radars du Palazzetto Bru Zane ne cesse de m’étonner : cette fois-ci, ce seront les Anglais qui auront tiré les premiers.

En deux albums, l’essentiel de sa musique de chambre, magnifié par l’engagement physique et le raffinement de l’exécution qu’y apportent Victor Sangiorgio et ses amis à archets. Les trois Trios parcourent tout l’orbe créatif de Lacombe, langage déjà parfait au premier et qui se pimentera d’harmonies de plus en plus complexes à mesure que les années passent. Magnifiques interprétations qui culminent dans le Quatuor avec piano, joué large, intense, jusque dans ses nombreuses échappées belles lyriques. Comment résister à pareille musique ? Itou pour la Sonate pour violoncelle et piano, subtilement mélancolique sous l’archet de Josephine Knight.

Si Dutton voulait poursuivre dans la résurrection de ce musicien qu’on ne saurait réduire à un compositeur « régionaliste », un troisième volume de musique de chambre avec les deux autres Sonates et les petites pièces pour violon et piano, avec aussi la magnifique Sérénade pour flûte, hautbois et piano s’impose, autant que l’exploration de son catalogue d’orchestre, à commencer par ses trois Symphonies qui connurent des créations glorieuses à Paris, et attestent autant que sa musique de chambre qu’il n’est en rien un épigone, mais bien un compositeur majeur de la génération des années 1830.

LE DISQUE DU JOUR

Paul Lacombe
(1837-1927)
Trio pour piano, violon et violoncelle No. 1 en sol majeur, Op. 12
Trio pour piano, violon et violoncelle No. 2 en mi majeur, Op. 90
Trio pour piano, violon et violoncelle No. 3 en la majeur,
Op. 134
Méditation pour violon et piano, Op. 124

Victor Sangiorgio, piano
Sergey Levitin, violon
Josephine Knight, violoncelle
Un album du label Dutton Epoch CDLK7388
Acheter l’album sur le site du label Dutton ou sur Amazon.fr

Paul Lacombe
(1837-1927)
Quatuor avec piano en
ut mineur, Op. 101

Sonate pour violoncelle et piano en la majeur, Op. 100
Sonate pour violon et piano No. 3 en sol majeur, Op. 98

Victor Sangiorgio, piano
Sergey Levitin, violon
Josephine Knight, violoncelle
Rachel Roberts, alto
Un album du label Dutton Epoch CDLK7397
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Photo à la une : le compositeur Paul Lacombe – Photo : © DR