Vers la lumière

Valerie Masterson ployant la longue phrase du Kyrie dans son soprano céleste, quelle émotion ! Je l’avais oubliée cette Grande Messe en ut de Mozart illuminée par Michel Corboz, ce fut pourtant ma première version au disque – oui, je fus tardif dans la part sacrée de l’auteur des Nozze -, cru lisboète de mars 1977, et à rebours je me souviens de l’avoir écoutée en boucle des semaines durant.

Valerie Masterson ne reparaîtra plus dans les enregistrements de Michel Corboz, fidèle d’abord à ses équipes de chanteurs amis, mais les répertoires classiques et romantiques lui commanderont de chercher des voix plus grandes capables d’affronter Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert et même Verdi. Côté soprano, son oreille qui cherchait la lumière ne se trompa guère : Christiane Baumann (virtuose en plus !), Rachel Yakar, Elly Ameling (apparition fugace mais remarquée : le Requiem de Mozart), Edith Wiens, Sheila Armstrong, et plus tard Audrey Michael en attestent.

Théorie de requiems, mais tournés vers la rédemption, inondés d’espoir même dans les abimes – celui de Verdi est saisissant d’abord par sa terreur vaincue – présence masquée mais impérieuse pour le Golgotha de Frank Martin – on ne le crédite qu’au chœur, mais jusqu’aux solistes Stämpfli, Montmollin, Tappy, Mollet, Huttenlocher, sont sous son regard – étreinte bouleversante pour le Requiem für Mignon de Schumann, le siècle des Romantiques l’inspire peut-être plus que l’ère classique malgré des Haydn solaires (Stabat Mater compris), il lui impose en tous cas de réunir un vaste ensemble Mendelssohn resté inégalé, vu au miroir de Bach mais pas seulement, Paulus, Elias bien sûr, emportés l’un et l’autre par un verbe spirituel magique, mais surtout Christus, puis une collection de Psaumes et de Motets où il fut pionnier au disque.

Dans les marges, une irrésistible Petite Messe solennelle (Cecilia Gasdia, Bernarda Fink qui deviendra sa mezzo favorite), la Messa di Gloria de Puccini, une saisissante Danse des morts, les Messes de Vierne, Albert Alain, Jean Langlais, chœur à nu sur les orgues d’André Luy et Marie-Claire Alain, et au sommet son premier Requiem de Fauré avec le Pie Jesus d’Alain Clément. Madeleine : le Stabat Mater de Schubert.

Aux années Erato s’ajoutent les gravures pour FNAC Musique (écoutez le Gloria de Poulenc !) où s’invite à nouveau Mendelssohn, mais aussi ce Requiem de Giuseppe Verdi qui dit tout de cet art, ferveur et grâce, tendresse et salvation.

Boîte parfaite, texte admirable de Jean-Philippe Grosperrin. Si demain Cascavelle (et Mirare) réunissaient les ultimes gravures, l’héritage serait au complet.

LE DISQUE DU JOUR

Michel Corboz
The Complete Erato Recordings: Classical & Romantic Eras

Œuvres de Frank Martin, Gabriel Fauré, Igor Stravinsky, Giacomo Puccini, Johannes Brahms, Wolfgang Amadeus Mozart, Joseph Haydn, Felix Mendelssohn-Bartholdy, Franz Schubert, Maurice Duruflé, Gioacchino Rossini, Charles Gounod, Camille Saint-Saëns, Ludwig van Beethoven, Robert Schumann, Arthur Honegger, Louis Vierne, Albert Alain, Jean Langlais, Francis Poulenc, Giuseppe Verdi, João Domingos Bomtempo et Franz von Suppé

Un coffret de 36 CD du label Erato 5054197186783
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Photo à la une : le chef Michel Corboz – Photo : © DR