Entourer le chant de Schubert d’un orchestre, est-ce le revisiter ? En petits caractères très pâles et seulement au recto du disque, Alexander Schmalcz assume la paternité de ces arrangements qui ne dérangent rien, surtout pas le baryton sombre et fraternel de Matthias Goerne qui y appuit l’émotion de son chant.
Tendresse du timbre dans An Sylvia, érotisme de l’enlèvement de Ganymed par Zeus, narration éloquente dans le « Voyage vers l’Hadès » (Fahrt zum Hades) où l’orchestre creuse le décor, augmente le mystère, et soudain pour la ballade gothique de l’Erlkönig, devient un personnage à part entière, et comme Goerne empoigne ce théâtre, on croirait Wotan venu chez Schubert !
Le disque s’ajoute à l’important ensemble Schubert engrangé jusque-là, d’abord chez harmonia mundi, et éclaire chez Goerne cette volonté grandissante d’incarner d’abord les mots, tentation qu’aura connue aussi Dietrich Fischer-Dieskau, quitte à sacrifier le chant, ce que Goerne ne fait jamais : la voix garde son velours, ses abîmes, son aigu comme venu d’un autre instrument, elle parle et chante ensemble, idéalement schubertienne d’abord en cela : écoutez la vaste nuit de Grenzen der Menschheit, où Matthias Goerne incarne le poème de Goethe dans les notes de Schubert, improbable quadrature du cercle.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828) / arr. pour voix et orchestre : Alexander Schmalcz
An Silvia, D. 891
Schäfers Klagelied, D. 121
Ganymed, D. 544
Fahrt zum Hades, D. 526
Schatzgräbers Begehr, D. 761
Der Tod und das Mädchen,
D. 531
Erlkönig, D. 328
Wandrers Nachtlied, D. 224
Grenzen der Menschheit, D. 716
Gesänge des Harfners, D. 478
Das Heimweh, D. 851
Pilgerweise, D. 789
Abendstern, D. 806
Alinde, D. 904
Stimme der Liebe, D. 412
Des Fischers Liebesglück, D. 933
An die Entfernte, D. 765
Matthias Goerne, baryton
Deutsche Kammerphilharmonie Bremen
Florian Donderer, leader, concertmaster
Un album du label Deutsche Grammophon 4839758
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Photo à la une : le baryton Matthias Goerne – Photo : © DR