À la recherche du son perdu

Le cadre dirait quasiment tout : Václav Luks et sa belle bande donnent dans la Salle des miroirs du Château de Cöthen, tout juste restaurée, les seuls six Concertos qui nous soient parvenus, heureusement conservés dans la bibliothèque du Margrave de Brandebourg, parmi la probable noria de ceux composés par Bach à l’intention de l’orchestre de virtuoses qu’il trouva en prenant sa nouvelle charge.

Les bohémiens y entendent, dans leurs formations à géométrie variable, une formidable succession de six concerts dans les goûts réunis, les ancrant plus qu’aucune autre formation dans un sillage italien. La plénitude des couleurs, le délié des rythmes, la vivacité des accents et souvent l’élan de la danse ne masquent pourtant jamais les émotions harmoniques qui au détour d’une page produisent ce sentiment de plénitude heureuse, cette sensualité toute physique qui culmine dans le si idyllique Quatrième Concerto. Lecture infiniment libre, aventureuse et d’une folle virtuosité qui prouvent à quel degré de perfection les instrumentistes du Collegium 1704 sont parvenus à l’issu de leurs grands cycles Bach et Zelenka.

On pourrait en écrire autant d’une expérience plus inattendue. Élargis à la dimension symphonique, voici qu’ils osent la première version philologique de Ma patrie. Dans ses passionnantes notes d’intention, Václav Luks souligne ceci : l’instrumentarium employé dans leur enregistrement, bois de facture bohémienne, cors naturels, cordes en boyaux et archets romantiques, peut tout à fait se comparer avec celui de la Philharmonie Tchèque à l’occasion du premier enregistrement de Václav Talich en 1929.

Les équilibres poétiques entre les vents et les cordes dans les passages lyriques sont simplement magiques, le jeu subtil des portamentos et des glissandos, l’usage modéré, réservé à l’espressivo, du vibrato, tout cela ressuscite un grammaire qui rend à l’orchestre de Smetana sa modernité, ses arrêtes, ses abimes (fabuleuse Šárka, Tábor minéral), si bien que la fresque retrouve ses vraies couleurs.

Qui jadis osa, après Talich, donner une telle urgence, tant de poésie et d’élan à Má Vlast ? Václav Smetáček. Václav Luks le rejoint lors de ce concert au sommet de la discographie d’une œuvre trop souvent germanisée.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Les 6 Concertos brandebourgeois (Intégrale)
Concerto No. 1 en fa majeur, BWV 1046
Concerto No. 2 en fa majeur, BWV 1047
Concerto No. 3 en sol majeur, BWV 1048
Concerto No. 4 en sol majeur, BWV 1049
Concerto No. 5 en ré majeur, BWV 1050
Concerto No. 6 en si bémol majeur, BWV 1051

Collegium 1704
Václav Luks, direction

Un DVD du label Accentus Music ACC20555
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Bedřich Smetana (1824-1884)
Má Vlast, JB 1:112

Collegium 1704
Václav Luks, direction

Un album du label Accent ACC24378
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Photo à la une : le chef d’orchestre Václav Luks – Photo : © DR