Libuše

La femme était magnifique, grande brune avec un visage à l’antique ; l’aigu était insolent, la voix grande, immense sur toute la tessiture, et d’un si vaste instrument on n’espérait pas tant de pur charme du timbre, quasi puccinien dans sa sensualité. À Prague, Marie Podvalová fut d’emblée une légende, Václav Talich la découvrant savait quelle perle il avait trouvé pour les héroïnes des opéras nationaux.

Oui elle chanterait Santuzza, et tout ce qu’elle voudrait d’autre, mais Talich lui imposera les femmes ou les prophétesses de Dvořák, Janáček, Fibich, Smetana surtout, la préparant au sacrifice suprême, à Libuše dont les sopranos qui l’ont osée savent bien qu’elles risquent plus de s’y brûler qu’à Brünnhilde.

Dans la mémoire des discophiles, elle paraît un peu ternie pourtant, longtemps on ne trouva d’elle en microsillon que quatre intégrales d’opéras captées entre 1950 et 1961 (Dalibor, Rusalka, Šárka et Svätopluk), déjà un peu tard pour la radiance du timbre.

Supraphon a osé ici reprendre son héritage d’avant, fragments d’opéras pour le 78 tours ou le microsillon, où elle est parfois captée en scène ou tout juste après, illustrant strictement le répertoire national, culminant évidemment dans les fragments de Libuše de 1945, incendiaire et portée par une équipe de chant insensée (Krásová, Vojta, Celerin) .

Mais il faut entendre sa Kostelnica, la plainte, l’hallucination, pour se rappeler qu’elle osa en pleine possession de ses moyens qui la destinait à Jenůfa, des emplois de composition montrant son art d’actrice.

Vous courrez pourtant au deuxième CD, où sont conservés ses quatre rôles majeurs chez Smetana. L’héroïsme insensé de sa Milada (avec des aigus poignards), la finesse savoureuse de son Anežka (dans ce petit chef-d’œuvre qu’est Les Deux veuves), sa stupéfiante Hedvika dans le fragment saisi à la volée en 1944 de l’opéra Le Mur du Diable, ultime ouvrage lyrique de Smetana), et Libuše bien sûr.

Bravo à Supraphon pour ce « labour of love ». Si le prochain gosier de cette série pouvait être Marta Krásová !

LE DISQUE DU JOUR

Marie Podvalová
Complete Recordings, 1939-1950

Œuvres de Josef Ondřej Novotný, Václav Josef Rosenkranz, Heřman Skřivan, Antonín Dvořák, Zdeněk Fibich, Leoš Janáček, Vítězslav Novák et Bedřich Smetana

Marie Podvalová, soprano
Choeur et Orchestre du Théâtre National de Prague
Rudolf Vašata, direction
František Škvor, direction
Zdeněk Folprecht, direction
Karel Nedbal, direction
Otakar Jeremiáš, direction

Un album de 2 CD du label Supraphon SU 4307-2
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Photo à la une : la soprano Marie Podvalová – Photo : © DR