Grande Chambre

Contralto ou baryton ? Pour l’aménagement si juste pensé par Schönberg en 1920 à l’intention de ses Concerts la question ne s’est jamais posée au disque, qui a toujours voulu y privilégier la contralto que d’ailleurs Schönberg entendait : les barytons n’ont annexé que bien plus tard l’ouvrage.

Peu importe à Maxime Pascal, et j’étais bien prêt déjà à lui donner raison avant même d’entendre son disque.

Le Chant de la Terre imaginé par Schönberg reste une étoffe de songe. Sa société de concert périclita et il ne termina jamais ce rêve dont Rainer Riehn publia pour Universal en 1993 une réalisation transparente en regard des usages du compositeur des Gurre-Lieder. Immédiatement la perfection de cette proposition, qui avait su enfermer l’immense dans l’intime, séduisit les interprètes, plus que la 4e Symphonie ouvragée par Erwin Stein, Philippe Herreweghe tirant le premier pour un disque devenu culte, avec deux merveilleux solistes, Birgit Remmert et Hans Peter Blochwitz (harmonia mundi).

Pour Maxime Pascal et son Balcon, moins d’ivresse et plus de philosophie. Si Kévin Amiel va crânement aux aigus de ses lieder d’ivresse ou de plaisir, admirable jusque dans la bravade, ce sont les noirs absolus, les noirs-Soulage de Stéphane Degout qui donnent à cette version hautaine son ton âpre, sa puissance méditative.

L’Abschied si intense, dont les désillusions et l’ivresse finale des « ewig » sont comme autant de portes ouvertes sur d’autres mondes, vous clouera sur place, faisant oublier que Schönberg envisageait son travail comme un simple moyen de diffusion, un procédé d’imprimerie sonore : ici l’essence du chef-d’œuvre de Gustav Mahler est capturée, enclose dans le grain de cette voix, dans l’étoffe colorée de ces douze instrumentistes, dans le geste implacable du chef.

Dommage qu’ils ne nous aient pas offert en sus les Lieder eines fahrenden Gesellen.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1860-1911)
Das Lied von der Erde
(version pour orchestre de chambre réalisée par Arnold Schönberg et achevée par Rainer Riehn)

Kévin Amiel, ténor
Stéphane Degout, baryton
Le Balcon
Maxime Pascal, direction

Un album du label Le Balcon Live LBM042
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Photo à la une : le chef d’orchestre Maxime Pascal – Photo : © Phan Tu