Les secrets de Schubert

Paradoxe, Schubert écrivait ses Lieder pour des amis qui les chantaient modestement, le compositeur les accompagnant au piano, pourtant rien ne m’y charme plus que les grandes voix : elles saisissent l’intensité de l’expression, emportent l’élévation spirituelle de bien des pages.

Grande voix, formée à l’oratorio et devenue une des plus éloquentes mezzo-sopranos de notre temps sur les scènes lyriques, Alice Coote l’est absolument, le lied demeurant son jardin secret et Schubert une obsession.

Hier elle, nous offrait un saisissant Winterreise, aujourd’hui elle herborise un récital prenant sans crainte dans les lieder les plus célèbres, mais que l’on n’entend pas souvent osés par des voix de femmes.

Ouvert et refermé par les deux mises en musique de l’An der Mond de Goethe, le voyage se complait dans le sombre, dans les lieder où le tragique se pare d’une élégance qui est naturellement apparié à son timbre. Ecoutez son Zwerg inquiet, cette diction où passe comme le souvenir du timbre de Janet Baker, merveille juste sinistre comme il faut, vrai ballade horrifique.

Au centre, une éclaircie fabuleuse fait mordorer et soupirer sa voix : la divine pesée de Ganymed, le sourire impérieux d’An Sylvia, la ronde bondissante du Musensohn, le demi-caractère délicieux de Lachen und weinen, rendent incroyable la furia d’un Erlkönig d’anthologie où Julius Drake tient la bride, ardant les échanges terribles entre le fils et le père.

Tout au long du disque son piano de peintre – des paysages et des sentiments – fait merveille. Magnifique album qui laisse espérer d’autres incursions schubertiennes d’Alice Coote.

LE DISQUE DU JOUR

Franz Schubert (1797-1828)

An den Mond, D. 259
An den Mond, D. 296
Wandrers Nachtlied I, D. 224
Wandrers Nachtlied II, D. 768
Im Frühling, D. 282
Ständchen (No. 4, extrait de « Schwanengesang, D. 957)
Szligkeit, D. 433
Abendstern, D. 806
Der Tod und das Mädchen, D. 531
Am Tage Aller Seelen, D. 343
Rastlose Liebe, D. 138
Ganymed, D. 544
Gesang an Silvia, D. 891
Der Musensohn, D. 764
Lachen und Weinen, D. 777
Erlkönig, D. 328
Nacht und Träume, D. 827
Auf dem Wasser zu singen, D. 774
Im Abendrot, D. 799
Frühlingsglaube, D. 686

Alice Coote, mezzo-soprano
Julius Drake, piano

Un album du label Hypérion CDA68169
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Photo à la une : la mezzo-soprano Alice Coote – Photo : © DR