Permanence Debussy

Un fameux Deuxième Livre des Préludes de Debussy selon Sviatoslav Richter, capté en concert à Spoleto, aura hanté toute ma jeunesse. Un faune y riait dans Brouillards, pure fantasmagorie de sons.

Le revoici, fourchu, en sabot, la flûte de pan sifflant entre ses lèvres. Comme ces Brouillards sont prestes !, diront certains, mais c’est une apparition et l’entrée saisissante dans ce monde de fantômes qui hante le Deuxième Livre. En debussyste averti, François-Frédéric Guy le fait capricieux comme sera son écho dans le cahier, Ondine, calibrant l’un l’autre dans le même espace temps à trois secondes près.

Puis la musique même de la mort vient m’étreindre. Les Feuilles mortes du pianiste ne sont pas automnales, le gel les a crissées, son de silence que vient hanter le déchirant appel d’un clairon (cela se retrouvera dans une des Etudes, mais la Guerre sera passée par là). La cueva gitane de La Puerta del Vino est capiteuse, dangereuse, tigresse, avant que Les fées ne fassent diversion.

Deux sommets : les mystères un rien morbides de La Terrasse des audiences, mais surtout le resserrement déchirant de Canope, joué avec une pudeur ravélienne. Les études de couleurs dignes de Whistler pourront résonner, mouvement abstrait des Tierces alternées, nuit de détonements étoilés de Feux d’artifice, avec en son centre ce silence où poudroie comme l’éclat lacustre d’un serpent d’or, irréelle poésie sonore.

Enlacer six images de piano tirés de ses rêves par Tristan Murail entre Reflets dans l’eau et le Deuxième Livre de Préludes, c’est tendre au faune un miroir troublant qui rappelle que Debussy aura infiltré sa grammaire dans les portées du plus inspiré de nos compositeurs vivants.

LE DISQUE DU JOUR

Claude Debussy (1862-1918)
Reflets dans l’eau (extrait des « Images, Série I, CD 105 »)
Préludes, Livre II, CD 131
Tristan Murail (né en 1947)
Cailloux dans l’eau
Le Rossignol en amour
Mémorial
Résurgence La Sorgue à Fontaine-de-Vaucluse
Le Misanthrope d’après Liszt et Molière
Impression, Soleil levant

François-Frédéric Guy, piano

Un album du label La Dolce Volta LDV110
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Photo à la une : le pianiste François-Frédéric Guy – Photo : © DR