Piano de Thrace

Ce piano aux harmonies dorées, sensuelles, languides, où passe un peu de Scriabine est bien celui d’un jeune homme de vingt ans. Vladigerov apportait déjà, dans le Berlin de ses études, une note exotique : tout au long des Impressions, son clavier opulent n’était pas non plus très loin de celui de Leopold Godowsky, et Etsuko Hirose en sculpte les accords voluptueux et envole les mélodies de pure charme qu’un Korngold n’eut pas désavoués.

Même à Berlin, Vladigerov faisait chanter dans son piano les musiques d’un empire perdu que la Grande Guerre venait de démembrer : la Valse-Caprice en sonne comme le regret, subtilement détaillé par la pianiste, l’Elégie qui clôt ce cahier plus nostalgique que fantaisiste, ouvre sur des horizons autrement troubles.

Ce piano de virtuose qu’il écrivait à son propre usage, Vladigerov ne l’abandonna jamais, ses Concertos faramineux le prouvent assez, et la Suite Bulgare, composée six ans plus tard, n’échappe pas à ce clavier de grand apparat, empli de modes orientaux et de motifs pris plus ou moins loin aux répertoires thématique des Balkans.

Le cycle est prodigieux par ses charmes orientaux – la seconde pièce constitué d’une seule phrase mélismatique – et par ses rythmes obstinés qui fascineront également Bartók, ou encore par l’exubérance de la danse de noces qui clôt la suite dans un ébrouement de clavier qu’Etsuko Hirose envole littéralement.

Quel beau disque, quelle ivresse il vous distillera !

LE DISQUE DU JOUR

Pancho Vladigerov
(1899-1978)
Impressions, Op. 9
Suite Bulgare, Op. 21
Prélude, Op. 15 No. 1

Etsuko Hirose, piano

Un album du label Mirare MIR600
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Photo à la une : la pianiste Etsuko Hirose – Photo : © DR