Vienne

Qu’on n’attende pas de Boris Berman qu’il se soucie, abordant deux des sonates de la maturité de Haydn, d’y évoquer le pianoforte. Non, il les place dans le vaste mouvement du piano viennois et rapproche explicitement leurs inventions, leurs caractères mélodiques, leurs rythmes singuliers non pas de Beethoven, mais de Schubert, les mariant à la grande tardive Sonate en la majeur.

Le pari est osé, de confronter ainsi deux univers aussi opposés, mais contre toute attente il est réussi. Lorsque Boris Berman entre avec une certaine retenue dans l’Allegro ténébreux qui ouvre la Sonate de Schubert, le souvenir des traits de caractère(s) si saillant des deux opus de Haydn ne s’est pas effacé, mystères d’un certain esprit qui perdurerait à travers les générations.

Et comme elle est belle sa Sonate en la, ombreuse, intense, il prend son temps au long d’un Allegro dont chaque paysage est ausculté sans pourtant que la ligne ne se perde. Le toucher est magique lorsqu’il va à l’aigu, l’intériorisation du propos le rapproche de Radu Lupu plutôt que de Sviatoslav Richter, et il faut entendre la tempête de l’Andantino, visionnaire. Scherzo fusant, en doigts légers – j’entends son plaisir à caracoler sur le clavier !, et quelle tendresse dans le lied qui ouvre le Finale déroulé comme en rêve.

Ah, voilà un schubertien, qu’il poursuive son voyage ici !

LE DISQUE DU JOUR

Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Sonate pour piano n° 62 en mi bémol majeur, Hob. XVI:52
Sonate pour piano n° 61 en ré majeur, Hob. XVI:51
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano No. 20 en la majeur, D. 959

Boris Berman, piano

Un album du label Le Palais des Dégustateurs PDD025
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Photo à la une : le pianiste Boris Berman – Photo : © Bob Handelman