Regarder au-delà

Yvonne Lefébure, pour qui fut écrite la 6e d’entre elles, les défendait avec tout son art. Marie-Catherine Girod les enregistra toutes, dévoilant un cycle courant sur plus de trente années où l’on pouvait lire l’évolution du piano français.

Dès la Sonate « Bourguignonne » (1893) avec son entre-glas dans l’Andante et sa ronde piquante du Finale, le piano d’Emmanuel avoue son goût pour le moderne. Sonatine après Sonatine, son art se fera naturaliste (les oiseaux de la Pastorale, entre Rameau et Ravel) ou fauviste (la 3e, aux harmonies et aux rythmes si complexes, proche de ce qu’écrivait alors George Enescu pour le piano), explorera les modes hindous ou l’esprit français (la 5e, dédiée à Robert Casadesus serait-elle une réponse au Tombeau de Couperin ?), avant de sonder les ambigüités de l’harmonie dans la fascinante 6e dont Olivier Messiaen, un des ultimes élèves du compositeur, aura retenu les leçons.

Dans ce paradis gorgé de couleurs sensuelles, le piano-orchestre de Patrick Hemmerlé déploie les sortilèges de timbres qu’il avait déjà mis à son somptueux album Roger-Ducasse, divagant des ragas, capturant des paysages, enchantant des danses. Il n’oublie jamais que ce cycle majeur du piano français regarde par ses opulences, ses ivresses, sa dispersion de la tonalité, vers l’avenir, musique absolument moderne, mais assez sage pour fuir les dictats. Et si demain il allait fouiller chez Pierné ?

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Emmanuel
(1862-1938)
Sonatine No. 1, Op. 4
« Bourguignonne »

Sonatine No. 2, Op. 5
« Pastorale »

Sonatine No. 3, Op. 19
Sonatine No. 4, Op. 20
« en divers modes hindous »

Sonatine No. 5, Op. 22
« Alla francese »

Sonatine No. 6, Op. 23

Patrick Hemmerlé, piano

Un album du label Melism MLS-CD-018
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Photo à la une : le pianiste Patrick Hemmerlé – Photo : © Jean-Baptiste Millot