La voix de Waldemar Kmentt

Si l’on avait fait confiance au disque officiel, si artistement menteur, Waldemar Kmentt n’existerait pas. Un Journal de voyage dans les Alpes autrichiennes de Krenek tardif, et quasi basta. Mais il pouvait tout chanter, son irrésistible Fuor del mar que Jaroslav Krombholc lui dirige médusé, le proclame d’emblée.

Voix de grand caractère, la beauté pure du timbre qui lui était possible – écoutez son Ferrando malgré l’allemand, Böhm dirige, et comment ! – lui est indifférente au fond. Ce qu’il voulait ce n’était pas la voix, qu’on lui avait donnée, mais les personnages ! Chanteur de théâtre absolument, et prodigieux partenaire comme le montrent toujours les extraits d’un Così fan tutte qu’on voudrait entendre entier, Berry et Güden y sont tout aussi incroyables.

De ce temps béni où la troupe Mozart née après guerre existait encore dans de nouveaux et d’anciens gosiers réunis grâce à Karl Böhm, les anciens enseignant aux nouveaux, Kmentt fit son miel d’interprète et prit le temps de parfaire une technique impeccable. Avec cela un sens du style exact qui transporte son Pylade : ce que le style noble signifie est ici autant que chez Simoneau.

L’album est prodigieux qui le montre toujours en scène assurant, que ce soit Ramiro ou Faust (Georges Prêtre ne tarissait pas d’éloges), et pour Krips, face à la Giulietta d’Anja Silja, un Hoffmann sidérant de folie amoureuse. Son Laca face à la Jenůfa de Sena Jurinac est historique, et à sa façon le Tom de la création viennoise (auf Deutsch !) du Rake’s Progress.

À la fin de cet album précieux, les deux voix, et quasi les deux artistes, paraissent. En 1968, pour le Rosenkavalier de Bernstein, son Chanteur italien avec charge est impayable (hélas pour l’enregistrement, on lui substituera Domingo). En 1996, le voici en Haushofmeister, parlando tranchant, cette morgue des mots, quel acteur !

LE DISQUE DU JOUR

Waldemar Kmentt
Live recordings,
1955-1996

Airs de Ludwig van Beethoven (Fidelio), Christoph Willibald Gluck (Iphigénie en Tauride), Charles Gounod (Faust), Leoš Janáček (Jenůfa), Wolfgang Amadeus Mozart (Così fan tutte, Idomeneo), Jacques Offenbach (Les Contes d’Hoffmann), Gioacchino Rossini (La Cenerentola), Bedřich Smetana (La fiancée vendue), Richard Strauss (Ariadne auf Naxos, Der Rosenkavalier), Igor Stravinski (The Rake’s Progress)

Waldemar Kmentt, ténor

Hilde Güden, soprano
Wilma Lipp, soprano
Anja Silja, soprano
Sena Jurinac, soprano
Kurt Equiluz, ténor
Peter Weber, baryton
Karl Dönch, baryton
Walter Berry, baryton
Hermann Uhde, baryton

Orchester der Wiener Staatsoper
Wiener Staatsopernchor

Jaroslav Krombholc, direction (Mozart, Smetana, Janáček)
Karl Böhm, direction (Mozart, Beethoven)
Horst Stein, direction (Gluck, Strauss)
Alberto Erede, direction (Rossini)
Georges Prêtre, direction (Gounod)
Josef Krips, direction (Offenbach)
Oskar Danon, direction (Stravinski)
Leonard Bernstein, direction (Strauss)

Un album du label Orfeo C770091B
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Photo à la une : le ténor Waldemar Kmentt, avec la basse Oskar Czerwenka – Photo : © DR