Après Cherubino

Le travesti de Cherubino pouvait-il lui manquer, depuis ses années de Cherubino à ses quasi tous débuts ? Christoph Loy a dû se poser la question avant de proposer à Cecilia Bartoli de l’accessoiriser d’une barbe bien taillée.

Mutine comme elle, de se voir transformée en Conchita Wurst dut l’enchanter. Mais basta !, passons sur cette fantaisie, pour mieux saluer le travail du metteur en scène. Costume du temps et habits modernes, ballets montrant les hommes vêtus en femme et les femmes vêtues en homme, une direction d’acteurs au cordeau qui sait jouer de tous les codes et animer avec une virtuosité folle les aventures du chevalier, sans oublier l’émotion, et les mises à distance nécessaires dont on est d’entrée prévenu, Cecilia Bartoli lisant en préambule quelques lignes de l’Orlando de Virginia Woolf, Christoph Loy signe là un de ses coups de maître dont il a le secret (souvenez de la Lulu pour Covent Garden).

Le spectacle, somptueux visuellement, fait le livret de Salvi clair comme de l’eau de roche, la dramaturgie subtile, élégante, fantaisiste et profonde tout à la fois ne laisse pas l’attention se relâcher au long des presque cinq heures d’une production qui fera date dans l’histoire de la revisitation des opéras de Haendel.

Tout du long, les idées abondent sans que jamais la direction d’acteurs ne leur cède la première place : habiller Ariodante de la robe de Ginevra en lui faisant perdre ses pilosités ne serait rien si dans le chant cela ne s’incarnait pas autant que dans le geste.

Distribution fastueuse, évidemment Bartoli est fabuleuse de virtuosité et d’émotion (Scherza infida sublime), Ginevra étreignante de Kathryn Lewek enfin délivrée de ses Reine(s) de la Nuit, formidable Roi selon Nathan Berg, Polinesso idéalement dangereux de Christophe Dumaux dont la vocalise est toujours vipérine, et quels plaisirs nous offre Sandrine Piau, Dalinda simplement idéale. Certains auront tancé Rolando Villazón, mais même en voix de bois, il sait ce qu’exige de lui la scène, chapeau bas ! A tous, car Les Musiciens du Prince de Monaco font dans la fosse un vrai théâtre.

Soirée historique, mais commencez par le Troisième Acte. Si vous n’êtes pas cueilli par « Numi ! Lasciarmi vivere », je ne peux rien pour vous.

LE DISQUE DU JOUR

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Ariodante, HWV 33

Cecilia Bartoli,
mezzo-soprano (Ariodante)
Nathan Berg,
baryton (Le Roi d’Ecosse)
Kathryn Lewek,
soprano (Ginevra)
Rolando Villazón,
ténor (Lurcanio)

Christophe Dumaux, contre-ténor (Polinesso)
Sandrine Piau, soprano (Dalinda)
Kristofer Lundin, ténor (Odoardo)

Salzburger Chor
Les Musiciens du Prince-Monaco
Gianluca Capuano, direction
Christof Loy, mise en scène

Un album du label C Major Entertainment 803408
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Photo à la une : © Opera de Monte-Carlo