Debussy ultime

Les Études s’entendent souvent saturées de couleurs, ivres de rythmes, Joseph Moog les a enregistrées ainsi voici peu, album magnifique où bouillonnait son sang de jeune homme. À revers, Philippe Bianconi les interprète comme les ultimes manifestations du génie de Debussy, jeu décanté, plein d’interrogations, pratiquant l’ellipse (Pour les quartes), qui cherche à faire danser les ombres mêmes.

À mesure qu’on progresse dans le cycle, dans la touffeur même des lacis, une épure se fait jour que le toucher précis, le modelé subtil, les couleurs exactes renforcent jusqu’à une certaine tension de l’expression. Debussy se quintessencie ici, son langage est à nu dans ce piano clair mais plein qui refuse de briller, préfère distiller une lyrique de l’étrange, des sons murmurés qui dans les vastes jeux d’échos de Pour les sonorités opposées font entendre ce clairon fantomatique.

À pleines mains, les gerbes sonores de Pour les octaves font écho à Feux d’artifice, ce n’est d’ailleurs pas le seul pont entre les Études et les Préludes que Philippe Bianconi dessine : Pour les notes répétées silhouette à nouveau Sir Pickwick. Ce clavier raffine aussi l’espace sonore avec une sensualité énigmatique : écoutez seulement Pour les agréments.

Après la danse impérieuse de Pour les accords, le presque-rien mystérieux de l’Élégie, douleur de notes, puis la transcription nue et sombre des extraits du Martyre de Saint-Sébastien selon Caplet, puis enfin le rougeoiement des Soirs illuminés par l’ardeur du charbon referme ce disque parfait, enserrant le plus secret de l’art de Debussy.

LE DISQUE DU JOUR

Claude Debussy (1862-1918)
12 Etudes, L. 143
Élégie, L. 146
Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon, L. 150
Le Martyre de Saint-Sébastien, L. 130 – Fragments symphoniques (arr. pour piano solo : André Caplet)

Philippe Bianconi, piano

Un album du label La Dolce Volta LDV84
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Photo à la une : le pianiste Philippe Bianconi – Photo : © William Beaucardet