Se perdre

Pari difficile pour tout ténor non tchèque : incarner le jeune homme du Journal d’un disparuLeoš Janáček résuma son art de mettre des notes sur les phonèmes moraves et de résumer à une voix son théâtre le plus intime.

Même avec Rafael Kubelik, Ernst Haefliger s’en tint à la traduction allemande, ne voulant pas oser voisiner avec Blachut ou Žídek, proposant autre chose. Mais les temps ont changé et la poétique insaisissable du cycle a d’abord séduit les ténors d’Outre-Manche, affaire de lyrisme, d’une certaine affinité avec les paysages sonores d’un cycle hautement atmosphérique.

Après Ian Bostridge, c’est Nicky Spence, ténor de la nouvelle garde anglaise, Alva et David remarqué, qui met ici son instrument autrement mordant. La vigueur de son chant, le ton passionné jusqu’à la fureur, l’élan des mots rappellent justement plutôt Blachut que Bostridge, et c’est en quelque sorte tant mieux, le drame reprend ses droits, le ton se désespère, d’autant que le piano de Julius Drake emporte le récit avec fièvre. Magnifique, la Zefka pulpeuse de Václava Housková, tentatrice idéale.

Ensemble, le ténor et la mezzo ajoutent les subtils Poèmes populaires moraves, merveille trop peu courue du catalogue vocal de Janáček qui referme un album parfait où éclate aussi la verve de Řikadla dans sa version originale trop rarement gravée.

LE DISQUE DU JOUR

Leoš Janáček (1854-1928)
Le Journal d’un disparu, cycle de mélodies pour ténor, alto, chœur de femmes et piano, sur des poèmes de Josef Kalda,
JW V/12

Řikadla (Rimes enfantines), JW V/16 (version originale pour voix, clarinette et piano)
Poésie populaire morave en chansons, JW 5/2

Nicky Spence, ténor
Václava Housková, mezzo-soprano
Ensemble Voice
Julius Drake, piano
Victoria Samek, clarinette

Un album du label Hypérion CDA68282
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Photo à la une : le ténor Nicky Spence – Photo : © DR