Le ténor de Vienne

La voix était immense, timbrée sur tous ses registres, le timbre mordant immédiatement reconnaissable jusque dans son refus de tout hédonisme, les mots tranchants, intenses, avec quelque chose d’implacablement expressionniste, l’élan de cet instrument, unique par son ampleur, sa puissance, son métal.

En peu d’année, Johan Botha se sera imposé comme le nouveau ténor héroïque de son temps, à vrai dire plus personne n’espérait une telle voix dont les standards de style semblaient venir d’une autre époque. Le public de l’Opéra de Vienne tomba littéralement en amour pour cette voix qui emportait tout sur son passage, il pleura sa mort venue si tôt, cinquante ans !, et resta incrédule.

Quelques semaines avant son décès, alors que la maladie le rongeait, Botha arpentait la scène du Staatsoper, lançant les « Wälse » inaltérés de son Siegmund déjà légendaire, où passait dans la nature même de la voix le souvenir de celle de Lauritz Melchior. Quel Siegfried nous aura manqué !

Vienne fut le lieu où sa voix comme son art ont pu éclore, lui qui avait commencé dans le monde du chant baryton (et même baryton-basse), suivant le chemin emprunté par Lauritz Melchior ou Ramón Vinay, et Vienne lui aura offert de révéler ses deux répertoires, qu’illustrent aujourd’hui Orfeo en puisant dans les archives sonores du théâtre.

L’album italien rappelle que son ténor ardent fut d’abord dédié à ce répertoire, à Verdi qu’il chantait avec un style fou : écoutez la ligne flamboyante de son Radamès, la terreur de son Don Carlo, la noire exultation de son Otello et comment son Maure emmène la Desdemona de Krassimira Stoyanova dans cette nuit où même les étoiles sont sombres.

Le vérisme appelait aussi ce timbre opulent, cet instrument d’ogre. Si son Paillasse était attendu (« Vesti la giubba » d’anthologie), comme son Calaf stellaire simplement inouï, écoutez-le où on l’attendait le moins, dans cet Andrea Chénier qu’il chante avec une élégance passionnée assez inouïe.

Le répertoire allemand est venu un peu plus tard, même si Botha chanta son premier Rodolfo en allemand dans la production d’Harry Kupfer (mais au Volksoper, les édiles de la Staatsoper l’ayant illico remarqué), mais surtout juste à temps : la voix avait pris ce métal du timbre, cette largeur du volume qui allait le destiner naturellement aux héros wagnériens, Siegmund, Tannhäuser, Lohengrin, Stolzing, et surtout Parsifal où sa voix s’exauçait à une dimension supplémentaire.

Mais il faut aussi entendre son Empereur de la Frau (même capté à la diable), son impérieux Apollon transformant la Daphné de Strauss en laurier, son Bacchus solaire et terrifiant, et entendre comment il emporte le cri de Florestan dans son cachot, moment saisissant qui ouvre cet album.

LE DISQUE DU JOUR

Italian Opera Arias

Scènes et Airs de Giuseppe Verdi (1813-1901) [Don Carlo, I Vespri Siciliani, Otello], d’Umberto Giordano (1867-1948) [Andrea Chénier], de Pietro Mascagni (1863-1945) [Cavalleria Rusticana], Ruggero Leoncavallo (1857-1919) [Pagliacci], Giacomo Puccini (1858-1924) [Tosca, Turandot]

Johan Botha, ténor

Krassimira Stoyanova, soprano
Agnes Baltsa, soprano
Dmitri Hvorostovsky, baryton
Renato Bruson, baryton
Leo Nucci, baryton
Chor der Wiener Staatsoper

Orchester der Wiener Staatsoper
Philippe Jordan, direction
Roberto Abbado, direction
Fabio Luisi, direction
Daniele Gatti, direction
Simone Young, direction
Plácido Domingo, direction
Ádám Fischer, direction
Leopold Hager, direction

Un album de 2 CD du label Orfeo C967192
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Beethoven, Wagner & Strauss

Scènes et Airs de Ludwig van Beethoven (1770-1827) [Fidelio], de Richard Strauss (1864-1949) [Die Frau ohne Schatten, Ariadne auf Naxos, Daphne] et de Richard Wagner (1813-1883) [Lohengrin, Die Meistersinger von Nürnberg, Tannhaüser, Parsifal]

Johan Botha, ténor

Angela Denoke, soprano
Cheryl Studer, soprano
Soile Isokoski, soprano
Ricarda Merbeth, soprano
Marjana Lipovšek, mezzo-soprano
Michael Schade, ténor
Christian Gerhaher, baryton
James Rutherford, basse

Orchester der Wiener Staatsoper
Semyon Bychkov, direction
Seiji Ozawa, direction
Donald Runnicles, direction
Giuseppe Sinopoli, direction
Christian Thielemann, direction
Franz Welser-Möst, direction
Simone Young, direction

Un album de 2 CD du label Orfeo C906171B
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Photo à la une : le ténor Johan Botha –
Photo : © Marty Sohl/Metropolitan Opera