Ruralia Roumania

Menuhin l’aura championnée, et Christian Ferras l’y aura suivi, ils furent les pionniers de cette Sonate fantasque où Enesco herborisa des bribes de thèmes glanées dans le delta du Danube, musique pleine de danses, de chants perdus, d’échos de cloches, de mélodies de fifre brisées par le vent.

Depuis, l’œuvre est devenue virale chez les violonistes de la jeune génération, et le plaisir de voir l’archet ample de Diana Tishchenko l’inscrire au centre de son premier album pour Warner n’est pas un mince plaisir tant elle en déploie le lyrisme sans oublier la poésie infinie des pages les plus nostalgiques. Ah oui !, ce Moderato est très malinconico, mais l’archet y danse aussi. La petite musique nocturne de plein air de l’Andante, avec ses concerts de chats, son rossignol, ses lucioles, sa bourrasque qui éloigne une tempête est simplement inouïe, avant que les ménétriers ne fassent danser le Finale. Diana Tishchenko place comme en postlude une lecture narrative de la Sixième Sonate d’Ysaÿe.

Il faut dire que le piano tour à tour paysage ou tambourin de Zoltán Fejérvári y ajoute cette pointe de fantaisie qui achève de faire l’œuvre si addictive. Je ne retrouve pas la même fantaisie dans la Sonate de Ravel, jouée classique, racée, très élégante, ce qui est parfait dans les nuances de l’Allegretto manque de nicotine dans le Blues, mais le Perpetuum mobile pourrait être un modèle.

Si la Première Sonate de Prokofiev n’est plus le manifeste moderniste qu’elle devrait être, là encore le style est impérieux, l’archet abrase mais même dans ce chaos parvient à chanter, mais c’est chez Enesco que je retourne.

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)
Sonate pour violon No. 2 en sol majeur, M. 77
Georges Enesco (1881-1955)
Sonate pour violon et piano No. 3 en sol mineur, Op. 25 « dans le caractère populaire roumain »
Eugene Ysaÿe (1858-1931)
Sonate pour violon solo No. 3 en ré mineur, Op. 27, « Ballade »
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour violon et piano No. 1 en fa mineur, Op. 80

Diana Tishchenko, violon
Zoltán Fejérvári, piano

Un album du label Warner Classics 0190295403898
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Photo à la une : la violoniste Diana Tishchenko – Photo : © DR