On pleura la mort soit disant définitive du chant wagnérien avec les années soixante : à Bayreuth, Karl Böhm imposait dans un Ring historiquement allégé pas si éloigné que cela de celui de Clemens Krauss une autre manière où brillaient encore Windgassen et Nilsson.
Mais dans le septentrion, les voix wagnériennes ne connurent pas d’éclipses, la parution d’une captation d’un Götterdämmerung dantesque à l’Opéra Jyske d’Aarhus le 6 septembre 1987 le prouve s’il en était besoin.
D’abord, Wagner y trouve ce qu’il a toujours voulu, un vraie troupe de théâtre qu’appelait sa volonté du spectacle total, où les héros n’existent et ne sont portés que par le collectif (auquel dans Götterdämmerung le chœur participe au premier chef), mais il y trouve aussi des voix stupéfiantes – placement haut droit d’une Brünnhilde incandescente, l’immense Laila Andersson-Palme, gloire locale qui peut regarder et Nilsson et Dernesch droit dans les yeux, Siegfried immense de coffre, de timbre d’Eliott Palay (alors que plus au Sud les formats modestes s’y essayaient), une Gutrune d’anthologie (Eva Johansson !!!!), et des clefs de fa viking en diable.
Sur ce festival de vrai chant wagnérien, un orchestre lumineux et violent, dirigé comme à en perdre haleine par Francesco Christofoli, disciple de Celibidache dont il n’aura pas appris la lenteur : c’est le plus preste, et probablement aussi le plus radical des Götterdämmerung que j’ai jamais entendus.
Les autres volets de cette Tétralogie seront-ils disponibles ?
LE DISQUE DU JOUR
Richard Wagner (1813-1883)
Götterdämmerung
(Le Crépuscule des dieux),
WWV 86D
Laila Andersson, soprano (Brünnhilde)
Elliot Palay, ténor (Siegfried)
Margrethe Danielsen, mezzo-soprano (Waltraute)
Eva Johansson, soprano (Gutrune)
Lars Waage, baryton (Gunther)
Aage Haugland, basse (Hagen)
Jörgen Klint, baryton (Alberich)
Den Jyske Operas Kor
Aarhus Symphony Orchestra
Francesco Cristofoli, direction
Un coffret de 4 CD du label Sterling CDA1813/1816-2
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Photo à la une : le poète Alf Henriksson, la soprano Laila Andersson et le compositeur Lars Erik Larsson à la télévision suédoise – Photo : © DR