Annie chez elle

Le son d’abord, ce piano plein et éclatant dont la profondeur harmonique diffuse dans les phrasés les plus lumineux cette ombre à peine suggérée. C’est tout Mozart, et c’est tout Annie Fischer, qui fut l’une des interprètes d’élection des concertos, pas une intégraliste mais une fidèle à certains opus, à la manière de Clara Haskil.

Pourtant, le 15 janvier 1973, au théâtre Erkel dans sa chère Budapest, elle jouait le délicat et mutin 13e Concerto, avec son thème initial en rondo – la fantaisie-même dans la grâce mais un discours de demi-caractère au fond assez complexe : concerto d’entre rires et larmes qu’elle n’aura pas gravé, joué un peu moins que ses favoris, et dont je crois bien que c’est ici le premier écho sonore qui nous parvienne.

Prise de son de radio où le piano et l’orchestre s’enlacent, « arabesquent », chantent l’un pour l’autre, l’un avec l’autre, restituent le sens premier de concerter. Magique et indispensable une fois que vous l’aurez entendu. Mon Dieu, cet Andante ! C’est Fiordiligi au jardin ! Ce cantabile ne se trouve plus aujourd’hui.

Le même soir, sans peur, elle se colletait au 2e de Chopin, autre ajout à son legs sonore, car Chopin, elle le joua si parcimonieusement. Les doigts fourchent parfois dans le Finale, pris très grand style, avec des effets de mazurka, peu importe, car ce piano somptueux réduit son espace dans un Larghetto magique, cantilène d’une nuit bellinienne, modèle d’élégance nostalgique phrasé loin, long, dans des couleurs d’amande, de lune pâle, justement comme le jouait Haskil.

Documents précieux, mieux, touchants.

LE DISQUE DU JOUR

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano et orchestre No. 13 en ut majeur, K. 415/387b
Frédéric Chopin (1810-1849)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en fa mineur, Op. 21

Annie Fischer, piano
Orchestre de la Philharmonie Nationale Hongroise
Miklós Erdélyi, direction

Un album du label St-Laurent Studio YSL 771 T
Acheter l’album sur le site du label www.78experience.com

Photo à la une : la pianiste Annie Fischer – Photo : © DR