War Requiem à Coventry, requiem pour la paix

La cathédrale de Coventry fut détruite par les bombardements pendant la guerre comme tout le centre ville. Pour célébrer sa reconstruction en 1962, le grand compositeur anglais Benjamin Britten composa ce War Requiem, mêlant le texte latin classique du requiem et des poèmes en anglais composés pendant la Grande Guerre par le poète britannique Wilfred Owen. Cette œuvre militante devait réunir à sa création, sous la direction du compositeur, trois formidables solistes de trois pays belligérants, l’allemand Dietrich Fisher-Dieskau, la russe Galina Vishnevskaya (l’épouse de Rostropovitch, finalement interdite de voyage) et le ténor britannique Peter Pears, le compagnon de vie de Britten.

Exactement cinquante ans après la création de l’œuvre, la cathédrale de Coventry a été à nouveau le théâtre de cette œuvre monumentale, écrite pour elle. Le bâtiment moderne est magnifique, orné de décorations et vitraux contemporains extrêmement élégants derrière lesquels on aperçoit les ruines de l’ancienne cathédrale, flanqué d’un orgue gigantesque que l’on voit souvent derrière le chef d’orchestre. On a vu trop d’églises contemporaines décevantes de part le monde pour ne pas être frappé par la grandeur et l’élégance qui ressort de celle-ci. Et Britten joue parfaitement du gigantisme de l’espace, disposant des chœurs aux deux extrémités de l’église, et les solistes chantant les poèmes d’Owen dans un troisième espace devant l’orchestre principal. Avec l’organiste à un quatrième emplacement de la cathédrale, l’effet sur place devait être incroyable, mais on comprend que seuls les spectateurs de ce DVD peuvent vraiment voir l’ensemble des artistes, et encore mieux en Blu-Ray, grâce à la haute-définition, très utile compte tenu de l’espace énorme, du nombre d’exécutants et de la beauté du lieu.

Le Chœur de la ville de Birmingham est très impressionnant, par sa masse et sa disposition, très bien rendues par la caméra, et surtout par son niveau musical et l’émotion qu’il suscite dans cette partition riche et variée. L’Orchestre symphonique de la ville de Birmingham est un des plus grands orchestres d’Angleterre. C’est à sa tête que le jeune Simon Rattle a gagné sa notoriété avant d’être choisi pour diriger, avec le succès qu’on sait, souvent commenté ici, le Philharmonique de Berlin, poursuivant l’héritage de Furtwängler, Karajan et Abbado.

Andris Nelsons est lui aussi un jeune chef très prometteur, probablement celui qui acquiert en ce moment la plus grande réputation parmi ceux de sa génération. Et il faut reconnaître qu’une fois de plus, il est impressionnant pour diriger ces artistes répartis dans l’église et faire ressentir les émotions fortes créées par cette musique. Parmi les moments les plus forts, écoutez ce Dies Irae à ressusciter les morts (c’est le but), avec des cuivres puissants, nombreux et parfaitement différenciés (et filmés). Ou écoutez ces Lacrymosa et Benedictus en latin, transcendés par la soprano Erin Wall (qui succède à la célèbre britannique finalement créatrice de l’œuvre Heather Harper) devant un chœur remarquable.

Nous n’avons pas l’habitude ici de commenter des œuvres d’après la guerre. Nous le faisons lorsque nous savons qu’il s’agit d’œuvres qui survivront et dont la valeur musicale et historique mérite l’investissement du spectateur. C’est naturellement le cas avec ce War Requiem, dont Britten espérait qu’il s’agissait de son œuvre dont on se souviendrait le plus longtemps.

LE DISQUE DU JOUR

Benjamin Britten (1913-1976)
War Requiem, Op. 66

Erin Wall, soprano
Mark Padmore, tenor
Hanno Müller-Brachmann, basse
Chœur & Orchestre Symphonique de Birmingham
Andris Nelsons, direction

Un DVD/Blu-Ray du label Arthaus Musik 108070
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Photo à la une : les ruines de la cathédrale de Coventry – Photo : © DR