Résurrection révélée

Londres fut la capitale européenne du « Mahler Revival », mouvement initié par Rafael Kubelík, Sir Georg Solti et Leonard Bernstein des deux côtés de l’Atlantique. A Londres, Otto Klemperer et Jascha Horenstein avaient porté la bonne parole, héritiers quasi directs de Mahler pour ainsi dire, rejoints par Sir John Barbirolli. Les orchestres, dès les années soixante, y savaient leur Mahler, et Antal Doráti, marié avec le BBC Symphony, Hongrois comme Solti, et d’une culture toute Mittel-Europa, dirigeait déjà « son » Mahler, mais ne l’usait pas à tous les coins de rue.

Cette Résurrection retransmise en direct du Royal Festival Hall le 6 octobre 1965, oriflamme incandescent qui anime un continent orchestral dru, dense, tenu avec un sens classique des perspectives et une précision des accents et du dessin général, vous fera immanquablement penser au disque modèle légué à tous les mahlériens par Otto Klemperer et son Philharmonia en 1962. C’est que Doráti, plus encore que Klemperer, fut un compositeur de première force, et voyant l’œuvre-monde de Mahler, il en saisit d’un seul regard la structure aussi parfaite qu’aventureuse.

L’arche n’a plus qu’à se tendre, tout y rayonne d’un noir soleil, c’est le granit même de cet orchestre qui porte le tout dans un tempo implacable, jusqu’en un Finale qui rugit. Expérience stupéfiante. Qui donc faisait Mahler aussi peu romantique alors, aussi moderne ?

Certainement pas Maderna qui le dirigeait très fiévreux, mais bien justement Klemperer ou de l’autre côté de l’Atlantique (et si peu, en tous cas jamais la Résurrection), Fritz Reiner ou George Szell, en attendant dix ans encore avant que Pierre Boulez ne relève le défi.

Un seul peut-être, William Steinberg. Rapprocher sa Résurrection de Cologne donnée la même année 1965 avec celle de Doráti sera lourd d’enseignements, d’abord pour la nature même de son, ample et plein, et sombre surtout.

Et quelle belle surprise d’entendre Jean Allister, magnifique mezzo dont l’art fut si peu documenté. Concert demeuré jusque-là inédit.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1756-1791)
Symphonie No. 2,
« Résurrection »

Erna Spoorenberg, soprano
Jean Allister, contralto
BBC Chorus
Choral Society
BBC Symphony Orchestra
Antal Doráti, direction

Un album du label Antal Doráti Live ADL213
Acheter l’album sur le site du label www.dorati-society.org.uk

Photo à la une : © DR