Voix sombre

Jacques Imbrailo aura incarné le plus beau Billy Budd de l’ère moderne. Quel chanteur- acteur, dont le physique altier était marié à un timbre superbe. Et quelle surprise de le retrouver ici dans un album de mélodies absolument inattendu.

Coup de génie – je crois bien que personne n’y avait songé – mettre en regard quatorze Lieder de Sibelius et neuf de Rachmaninov. Cette correspondance inédite éclaire un ensemble d’affinités électives entre le Finlandais et le Russe : goût des couleurs sombres, des grandes lignes déclamatoires, des échelles pianissimos, même fantaisie un rien morbide avec quelques touches populaires qui renforcent l’étrangeté du tout, et une écriture de la partie pianistique assez symphonique.

Dès la première mélodie de Sibelius, la longue voix sombre de Jacques Imbrailo fascine, son vibrato serré, ses aigus diaprés, le creux mordant des graves, comment ne pas penser à Jorma Hynninen, sans que cela ne réduise en rien la singularité de ses interprétations, affaire de proximité de timbre qui suffit à entraîner une proximité également pour l’art. Comparez seulement leurs Flican kom ifran sin älsklings möte.

La face Rachmaninov est tout aussi éloquente et mystérieuse (sublime version de Siren), faisant de cet album discret, à la présentation soignée une perle où brille dans une prise de son parfaite la grand piano plein de timbres de Alisdair Hogarth.

LE DISQUE DU JOUR

Jean Sibelius (1865-1957)
14 Mélodies
Sergei Rachmaninov
(1873-1943)
9 Mélodies

Jacques Imbrailo, baryton
Alisdair Hogarth, piano

Un album du label Linn CKD482
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Photo à la une : © Canetty Clarke/Intermusica