Songes printaniers

Les grandes versions de la musique de scène pour A Midsummer Night’s Dream écrite par Mendelssohn à la suggestion de Fréderic-Guillaume de Prusse (il fit représenter la pièce de Shakespeare avec la musique de Mendelssohn dans son nouveau château de Postdam en 1843) ne se bousculent pas : Otto Klemperer (studio Philharmonia EMI ou Radio WDR de Cologne), Rafael Kubelik (Radio Bavaroise en concert, capté par Deutsche Grammophon), et Peter Maag à Londres (Decca) n’avaient jusque-là été concurrencés dans ma discothèque que par le petit miracle bostonien de Seiji Ozawa (DG également) et les audaces de Gardiner (LSO).

Je leur ajoute désormais la féérie soyeuse élaborée avec des philtres, des elfes et des coquilles de noix par Iván Fischer et ses somptueux musiciens de l’Orchestre du Festival de Budapest. La fantaisie lunaire de l’ensemble, les équilibres funambules des timbres, la saveur des polyphonies, tout tisse un univers de haute fantaisie où l’orchestre-poète de Mendelssohn se réalise pleinement.

L’hédonisme des Hongrois réside d’abord dans le quatuor, cordes pleines mais allusives, déliées et parfois délurées – les braiements de Bottom sont stylisés avec art – mais les bois aux sonorités si pimentés apportent une note de fantastique à l’ensemble qui donne à tout cela un petit coté Füssli : ces songes dorés sont prestes à se troubler.

C’est que derrière Mendelssohn, Iván Fischer voit sans cesse Shakespeare et ses personnages, les croque avec sa baguette virtuose et sensible qui allège tout y compris la Marche nuptiale. Et l’étrangeté de la Marche funèbre vous poursuivra longtemps : c’est comme si Mahler y paraissait.

Complément précieux, trois Lieder avec orchestre de Fanny Mendelssohn dont le mélancolique Distance, où Anna Lucia Richter, déjà magicienne dans le Songe, distille une nostalgie prégnante.

LE DISQUE DU JOUR

Felix Mendelssohn-Bartholdy (1810-1849)
Le Songe d’une nuit d’été, musique de scène intégrale (Ouverture, Op. 21 – Musique de scène, Op. 61)
Fanny Mendelssohn (1805-1847)
Die Mainacht, Op. 9 No. 6
Ferne, Op. 9 No. 2
Gondellied, Op. 1 No. 6

Anna Lucia Richter, soprano
Barbara Kozelj, contralto
Pro Musica Women’s Choir
Budapest Festival Orchestra
Iván Fischer, direction

Un album du label Channel Classics CCSSA37418
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Photo à la une : © DR