Marc-André Hamelin, le plus virtuose des pianistes de sa génération, qui aura commencé sa carrière discographique avec les œuvres les plus ardues du répertoire en vient aujourd’hui à Schubert. Un premier album Continuer la lecture de Décanter
Archives mensuelles : avril 2018
La vraie sonorité
Il faut bien l’admettre, la plupart des enregistrements d’Aldo Ciccolini ne rendent pas compte de la simplicité éloquente de sa sonorité, surtout ceux réalisés par son éditeur historique, EMI (sinon les microsillons mono, les Scarlatti, le premier album Séverac, le disque Chabrier, les Concertos de Ravel Continuer la lecture de La vraie sonorité
Subtilité
C’est entendu : de sa viole de prophète, Jordi Savall aura réinventé Marin Marais. Se doutait-il que son travail longtemps solitaire ouvrirait la voix à cette renaissance de cet instrument, renaissance dont Marais restera toujours l’heureux bénéficiaire Continuer la lecture de Subtilité
Concert Department-18
Je crois bien que personne n’avait tenté cette mise en miroirs – et aussi en abîmes – entre Federico Mompou et Maurice Ravel. Adossant parmi les pages les plus lumineuses du Catalan deux opus les plus volatiles, les plus chargés d’énigmes et de suspensions que Ravel ait écrits pour son piano, Julien Brocal joue l’ensemble en doigts déliés, toucher–plume où s’exhaussent des arcs-en-ciel de cristal.
Quelle lumière dans ce piano, même dans les torpeurs de Oiseaux tristes, et quel piano, qui porte loin le son en l’affinant toujours, le Steinway étiqueté Concert Department -18. Celui de Vladimir Horowitz, rien moins, dont Eugen Istomin hérita, et que jouèrent pour quelques disques ou quelques concerts Rudolf Serkin, Leonard Bernstein.
L’équilibre de ce piano est singulier : basses impondérables toujours dans la résonance, médium clair et ample, aigus nacrés, sans aucune dureté, qui continuent à briller dans l’harmonie, et que Julien Brocal manie avec une délicatesse extrême, composant les timbres avec quelque chose d’onirique dans la conduite des phrasés, et jusque dans le flot des mesures qu’on ne voit plus tant les paysages les ont remplacées.
Ses Miroirs sont magiques à force d’apesanteur et de suggestions, son Alborada, si vive, un modèle qui évite le portrait pour essentialiser une sérénade sans aucun grotesque et sa Sonatine épurée jusqu’au fragile, toute en gris colorés, a quelque chose d’impondérable même lorsque son clairon funèbre s’esquisse dans le troisième mouvement.
Le poète parle tout autant dans les Paisajes et dans les Charmes de Mompou, mêlant dans leurs rêveries de cristal l’idée même du silence, dans le son-même des notes, secret d’une musique qui s’absente d’elle-même pour mieux se saisir de l’auditeur, où la suggestion serait une finalité. À la fin de l’album, Julien Brocal ajoute sa Nature morte, petit tombeau énigmatique où un oiseau triste danse seul une pavane, que le Catalan aurait pu rêver.
LE DISQUE DU JOUR
Reflections
Federico Mompou
(1893-1987)
Paisajes
Charmes
Maurice Ravel (1875-1937)
Miroirs, M. 43
Sonatine, M. 40
Julien Brocal (né en 1987)
Nature morte
Julien Brocal, piano
Un album du label Rubicon RCD1008
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Photo à la une : © DR
Théâtre de poche
Les cantates de Clérambault, ces vastes scènes d’opéra où un personnage s’interroge et se décrit, constituent l’apogée du genre, comment se fait-il qu’elles furent si peu enregistrées, et, sinon par l’album historique de Rachel Yakar (Médée, Orphée) si peu gâtée ?
Mais voici que dans son français historiquement informé, dans sa voix de miel et de feu, Reinoud van Mechelen console mes déceptions en gravant quatre cantates qu’il anime avec une pointe de génie : commencez par l’irrésistible portrait psychologique qui secoue Le jaloux, où il est formidable d’humour et de fureur, abandonnant la vocalité noble dont il paraît avec tant d’art son Apollon.
Pourtant, c’est dans le chef-d’œuvre de l’ensemble, Pyrame et Thisbé que sa voix trouve les accents les plus bouleversants ; quelle merveille, cette cantate !, où Clérambault, travaillant sur un sujet rebattu, écrit une véritable tragédie lyrique de poche dont la variété des sentiments inspire à Reinoud van Mechelen une palette expressive que le petit orchestre d’A Nocte Temporis paysage avec poésie.
Disque merveilleux, j’espère un second volume : les cantates de Clérambault ont trouvé leur oracle.
LE DISQUE DU JOUR
Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749)
Apollon, cantatte sur la paix (Livre III)
Le Jaloux, cantate IIe (Livre I)
L’amour, guéri par l’amour, cantatte Iere (Livre IV)
Pyrame et Thisbé, cantate IVe (Livre II)
Reinoud van Mechelen, ténor
A Nocte Temporis
Un album du label Alpha Classics ALPHA356
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Photo à la une : © Senne Van der Ven