À contre-temps

1945 : Michael Tippett met le point final à sa Première Symphonie, partition exigeante où il rassemble tout ce qui découlait de l’influence d’Hindemith dans la musique anglaise d’alors. Peine doublement perdue : Edmund Rubbra avait déjà théorisé tout cela en y ajoutant le génie de sa langue granitique où Nielsen avait autant d’influence qu’Hindemith, et le 7 juin 1945, Peter Grimes paraissait sur la scène de Sadler’s Wells, Benjamin Britten avait déjà gagné la guerre : la révolution de la nouvelle musique britannique devrait passer par l’opéra.

Las, cette Première Symphonie qui dans l’esprit de Michael Tippett voulait reproduire la commotion éprouvée par les mélomanes anglais au lendemain de la création de la Première Symphonie de William Walton ne fut que le marqueur de son premier style de maturité : la quarantaine venue, avec le succès considérable de A Child of our Time (1941) pour lui, seule la symphonie, terrain où régnait encore Ralph Vaughan Williams (les orages de sa Sixième Symphonie allaient déferler bientôt), pouvait exprimer son désir d’expérimentation.

C’est ce qu’entend avec une pointe de génie Martyn Brabbins, lancé dans un cycle d’exploration de la symphonie anglaise au XXe siècle : il la dirige comme une œuvre de laboratoire, un essai de renouvellement grandeur nature d’une forme et d’un genre, qui rétrospectivement pourrait être l’origine du corpus symphonique d’Humphrey Searle.

Mais finalement, même chez Tippett, l’opéra l’emporta. En 1956, il déduit de son opéra-fable The Midsummer Marriage sa Deuxième Symphonie, bien moins formelle que la Première.

Je suis pris d’un doute en écoutant la lecture très précise mais aussi très prudente qu’en propose Martyn Brabbins. Sir Colin Davis en faisait autrement éclater l’écriture festive – comparez seulement leurs Scherzos respectifs – Richard Hickox (Chandos) et le compositeur itou. Bémol donc, pour ce nouveau volume qui rappelle à quel point le langage de Michael Tippett ne se livre pas aisément.

Je jugerai plus aisément avec la suite de ce qui semble une intégrale de l’œuvre d’orchestre, d’autant que le vrai chef-d’œuvre reste à venir, la Quatrième Symphonie, où tout n’est plus que poésie stellaire, écrite pour Sir Georg Solti et son Orchestre Symphonique de Chicago.

LE DISQUE DU JOUR

Michael Tippett (1905-1998)
Symphonie No. 1
Symphonie No. 2

BBC Scottish Symphony Orchestra
Martyn Brabbins, direction

Un album du label Hypérion CDA68203
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Photo à la une : © DR