Mozart en exil

Juin 1950, les micros d’His Master’s Voice captent quelques extrais du nouveau Così fan tutte de Fritz Busch, la guerre est passée, Glyndebourne et Mozart ont survécu, une jeune étoile venue de Vienne enthousiasme toute l’équipe : Sena Jurinac, jusque-là Dorabella, se risque à Fiordiligi, et déploie un stupéfiant « Come scoglio », puis un étreignant « Per pieta ». La nouvelle édition ajoute de savoureux extraits des répétitions.

L’année suivante, Idomeneo, toujours réduit en extraits, sera l’ultime chantier ouvert par Busch à Glyndebourne, et ses derniers sillons arrachés à un été débordé de travail, avec Jurinac toujours, son Ilia éperdue. On était au début de juillet. Le 14 septembre, une semaine après la dernière représentation de la reprise de Don Giovanni, Fritz Busch s’éteignait.

Warner a bien fait les choses en regroupant dans de très beaux transferts tous les Mozart de Glyndebourne selon Busch, la trilogie Da Ponte des années 1934-36 où les tempos alertes, le chant aventureux réinventaient Mozart loin du nazisme, lui infusaient cette folle vitalité d’un théâtre absolument italien de mouvement, de joie, de plaisir, vrai travail de vraies équipes de chant dont il est impossible de jamais se lasser tant elles incarnent, au-delà des accents british, l’esprit de cette musique.

Et La Comtesse d’Aulikki Rautawaara, Le Conte de Roy Henderson, Helletsgruber en Chérubin, le Figaro grand teint de Will Domgraf-Fassbaender avaient dès les Nozze de 1934 proclamé l’absolue vérité d’une troupe fabuleusement emmenée par la battue si vive de Fritz Busch.

Così fan tutte, avec le désarmant duo des sorelle campé par Suez et Helletsgruber, confirmerait l’aventure que viendrait parachever un Don Giovanni resté justement légendaire (alors même que la vraie invention de Busch fut Così). Il nous manquera toujours cette Zauberflöte qu’His Master’s Voice préféra enregistrer à Berlin, Beecham y assemblant un cast fabuleux absolument nazi-compatible. Mais l’éditeur ajoute en toute fin du coffret quelque secondes de l’adresse du Sprecher à Sarastro, et c’est Carl Ebert himself qui paraît, moment génial qui avive encore les regrets.

Ensemble historique, certes, mais d’abord vivace.

LE DISQUE DU JOUR

Fritz Busch à Glyndebourne
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Le nozze di Figaro, K. 492 (enr. 1934)
Così fan tutte, K. 588 (enr. 1935)
Don Giovanni, K. 527 (enr. 1936)
Così fan tutte, K. 588 (extraits, enr. 1950)
Idomeneo, re di Creta, K. 366 (extraits, enr. 1951)

Solistes
Chœur et Orchestre du Festival de Glyndebourne
Fritz Busch, direction

Un coffret de 9 CD du label Warner Classics 190295801748
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Photo à la une : © DR