Poésie romantique

Seraient-ce les opus les plus tendres de Schumann ? Dans la sonorité boisée de sa clarinette, Patrick Messina semble répondre oui en ouvrant son disque avec le rare Trauer tiré des pièces pour les enfants qu’il adapte à son instrument. Le piano discret de Fabrizio Chiovetta s’y glisse avec délicatesse.

Tout ce disque qui nous engage dans la poésie vespérale ou nocturne de l’auteur des Kreisleriana sera de la même eau, discret, lyrique, entêtant à force de pudeur. Son art est tout entier dans la suggestion, phrasés suspendus, piano elliptique, les questions abondent assez pudiques pour ne pas être répondues, l’accord entre les deux amis leur permet d’aller très loin dans ce discours secret, dans les méandres de musiques qui se perdent dans le non-dit, que ce soit la courbe simple des Romanzen – celles de Clara paraissent aussi au centre du disque, avivant les regrets devant ce talent délaissé – ou les récits enchantés des Fantasiestücke, Op. 73, distillés avec des charmes presque douloureux où le piano est bien plus qu’un paysage.

Et lorsque les fantômes paraissent dans les Märchenerzählungen, l’alto ménétrier de Pierre Lenert les rejoint, piquant de son archet fantasque les rêveries inquiètes du pianiste et du clarinettiste.

Il est temps pour In der Nacht de paraître, son piano qui se souvient de Bach, son Espagne selon Geibel, son irrépressible poésie de Lied referme cet album de presque silence, envoûtant voyage au cœur de la nuit schumannienne.

LE DISQUE DU JOUR

Robert Schumann (1810-1856)
Trauer (extrait des Klavierstücke, Op. 85, arr. pour clarinette)
Abendlied (extrait des Klavierstücke, Op. 85)
3 Romanzen, Op. 94
Fantasiestücke, Op. 73
Märchenerzähkungen, Op. 132
In der Nacht (extrait du Spanisches Liederspiel, Op. 74, arr. pour clarinette)
Clara Schumann (1819-1896)
3 Romanzen, Op. 22

Fabrizio Chiovetta, piano
Patrick Messina, clarinette
Pierre Lenert, alto

Un album du label Aparté AP153
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Photo à la une : © DR