L’enfant neuf

Je crois bien que je ne m’en déferai jamais. Revenant à L’Enfant et les sortilèges, c’est toujours l’enregistrement d’Ansermet que je mets dans la platine. Pourtant, Ernest Bour, Lorin Maazel, Armin Jordan, tout récemment Leonard Slatkin l’ont approché. Mikko Franck et son joli escadron, enregistrés en concert, allaient-ils leur damer le pion ?

Non, même s’il s’en faut de peu, car l’équipe est brillante, subtile, menée par le plus parfait enfant depuis Flore Wend, Chloé Briot, avec pour Feu et Princesse Sabine Devieilhe, La Mère et La Tasse chinoise de Nathalie Stutzmann, et au sommet un François Piolino, irrésistible, que ce soit en Théière, en Arithmétique – pas du tout Petit viellard – ou en Rainette.

Souvent la magie de l’œuvre agit, Le Jardin est assez inoubliable, et on tient ici le plus émouvant mélodrame des animaux jamais enregistré, mais quelque chose de la poésie de Ravel échappe à Mikko Franck, dont la direction s’alentit trop, perd la fluidité qui faisait le charme irrésistible d’Ansermet.

Le petit miracle du concert reste L’Enfant prodigue de Debussy (le thème du concert aura donc été « L’enfant ») dont Mikko Franck a toujours composé l’orchestre en aède, et ici c’est merveille, quasiment déjà absolument du grand Debussy d’autant que contrairement à Hervé Niquet qui rétablissait la partition originale pour le Prix de Rome, s’entend ici le remaniement que Debussy opéra en 1908 avec le secours d’André Caplet. Karina Gauvin frémit, de mots pourtant pas assez nets, contrairement au Siméon de Jean-François Lapointe, admirable, ou à Alagna : son « Ô temps jamais effacé » émerveille sans craindre d’évoquer Gounod : quelle ligne de chant.

Ajout de studio, le Finale d’une Symphonie de jeunesse emplumée par Colin Matthews ne laisse pas deviner que Debussy en soit l’auteur. Texte exemplaire et éclairant de Martine Kaufmann sur L’Enfant, qui s’en étonnerait ?

LE DISQUE DU JOUR


Maurice Ravel
(1875-1937)
L’enfant et les sortilèges, M. 71
Claude Debussy
(1862-1918)
L’enfant prodigue, L. 57
Symphonie en si mineur, L. 10 (extrait : III. Finale)

Ravel
Chloé Briot, soprano (L’Enfant)
Nathalie Stutzman, contralto (La Mère, La Tasse chinoise, La Libellule)
Sabine Devieilhe, soprano (Le Feu, La Princesse, Le Rossignol)
Jodie Devos, soprano (La Chauve-souris, La Chouette, Une pastourelle)
Julie Pasturaud, mezzo-soprano (La Bergère, La Chatte, L’Ecureuil, Un pâtre)
François Piolino, ténor (La Théière, Le Petit Vieillard, La Rainette)
Jean-François Lapointe, baryton (Le Chat, L’Horloge comtoise)
Nicolas Courjal (Le Fauteuil, L’Arbre)
Chœur de Radio France
Maîtrise de Radio France

Debussy
Karina Gauvin, soprano (Lia)
Roberto Alagna, ténor (Azraël)
Jean-François Lapointe, baryton (Simeon)

Orchestre Philharmonique de Radio France
Mikko Franck, direction

Un album de 2 CD du label Erato 19029589692
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Photo à la une : © DR