Premier opus en Sibélie

Ces Océanides qui commencent si loin, ferment d’un monde à venir, qui les entend et surtout les fait entendre, avec autant de justesse ? Edward Gardner. Comme tout bon élève de la Royal Music Academy, il aura appris son Sibelius dans les disques de Thomas Beecham, ce que le crescendo irrépressible qu’il déclenche au centre des Océanides avoue : impossible de ne pas faire le parallèle entre la lecture parfaite de son aîné et la sienne.

Une différence de nature sonore les sépare cependant, non par la couleur des captations, si différentes, mais par la nature même du son d’orchestre. À Bergen, les transparences sont inouïes, permettent de faire entendre naturellement tous les tuilages harmoniques. C’est aussi sensible dans l’autre poème d’orchestre par lequel d’ailleurs s’ouvre ce disque qui est d’abord un album de mélodies : La Fille de Pohjola déploie ses mystères sonores sous une lumière subtile mais pénétrante, et même son vaste crescendo est porté d’abord par cette clarté des textures, immense vague de sons.

C’est assez dire si décidément avec cet orchestre Edward Gardner tient l’atout majeur d’un futur cycle Sibelius. Mais le reste de l’album le montre accompagnant Gerald Finley, baryton sombre, mordant, qui se confronte sans crainte à Jorma Hynninen, maître absolu des mélodies avec orchestre de Sibelius au disque depuis maintenant un quart de siècle. Il fait jeu égal avec son modèle.

Sommet de cet ensemble, la scène Les Fiancées du batelier, véritable pendant sonore à Luonnotar, où Finley et Gardner s’accordent dans un récit fulgurant qui emporte d’un geste cette partition aussi géniale que peu courue.

Autre merveille, le cycle de sept mélodies orchestrées par Einojuhanni Rautavaara et intitulé In the Stream of Life qui réinvente dans sa propre langue les idiomes de Sibelius, décalques temporels subtils qui démontrent la persistance d’une poétique finnoise.

Que cet album soit l’alpha d’un cycle Sibelius d’Edward Gardner avec sa magique formation norvégienne ! Il le faut !

LE DISQUE DU JOUR


Jean Sibelius (1865-1957)
La Fille de Pohjola, Op. 49
Les Océanides, Op. 73
Romance pour cordes, Op. 42
Les Fiancées du batelier (Koskenlaskijan morsiamet), Op. 33 (version pour voix et orchestre)
Hymne à Thaïs, JS 97
(arr. Jussi Jalas pour voix et orchestre)

Demanten på marssnön, Op. 36 No. 6 (arr. Ivar Hellman pour voix et orchestre)
Hertig Magnus, Op. 57 No. 6 (arr. Pekka Helasvuo pour voix et orchestre)
5 Mélodies, Op. 38 (2 extraits : Nos. 2 & 3, På verandan vid havet, I natten)
In the Stream of Life, cycle de 7 mélodies choisies et orchestrées par Einojuhani Rautavaara

Gerald Finley, baryton
Orchestre Philharmonique de Bergen
Edward Gardner, direction

Un album du label Chandos CHSA5178
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Photo à la une : © Benjamin Ealovega