Lumière

Beatrice Rana entre dans le thème de « ses » Goldberg avec une tendresse, une délicatesse, presque déjà une nostalgie de devoir un jour les finir. Puis le geste s’éclaire, le clavier fuse, tout coule d’une source fraîche, et compose à mesure non plus ce kaléidoscope de formes et de motifs aux échos multiples que des pianistes savants y recherchent, mais une grande musique de divertissement où le plaisir est le maître mot.

Le plaisir de jouer d’abord, qui laisse éclater une technique transcendante où tout est en place de doigts, certes, mais de sens aussi, alerte toujours, et pourtant d’un accent, d’un ornement, d’une respiration, ému, laissant s’infiltrer dans un battement de seconde cette distance soudain rêvée qui fait les grandes versions des Goldberg. Mais pas le temps de s’appesantir, on doit marcher, aller de l’avant, s’émerveiller à la suivante et entraîner l’auditeur dans cette suite sans fin de fantaisies et de songes.

Voilà une version qui fera fuir la légende du sommeil, et qui démolit celle du monument : les Goldberg redeviennent une école du sensible, et presque du sentiment, tout un univers en prospective regardant vers cet Empfindsamkeit qui vient. Ce n’est pas rien qu’une telle prescience, une telle liberté soient trouvées aujourd’hui, et crânement assumées, non par un claveciniste, mais par une pianiste dont on sait qu’elle brille déjà d’entre ses collègues d’un éclat singulier que ce disque osé, qui partage(ra) les avis, avive encore.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Variations Goldberg, BWV 988

Beatrice Rana, piano

Un album du label Warner Classics 902588018
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Photo à la une : © DR