L’orchestre du piano

Le grand Fazioli que fait sonner à la volée Maurizio Baglini m’avait déjà surpris dans son intégrale Moussorgski sur laquelle d’ailleurs je reviendrai. Pour cet album Schumann, il trouve illico dans la fièvre du discours la puissance d’accent et le kaléidoscope d’un orchestre, aigus de trompette, medium de hautbois, basse de violoncelle, l’immensité du geste voulu par Schumann dans sa Seconde Sonate qui ouvre le disque s’y incarne avec un mordant, une portée assez incroyables. Une symphonie absolument, en sons immenses et intenses, soulevée par une tempête inextinguible au point qu’on ne voit pas passer la Sonate, toute en bourrasques.

Le Presto Passionato qu’il lui enchaîne – et que les pianistes jouent trop rarement alors que c’est du tout grand Schumann – sonne comme l’écho du Finale, brille d’un éclat sombre comme son miroir fiévreux : quoi de plus naturel, il est le Finale avec lequel Schumann avait initialement voulu couronner sa Sonate en sol mineur. Une des qualités du jeu de Baglini qui n’hésite pas à se brûler dans la complexité harmonique de Schumann est bien que depuis quelques lustres, je n’avais pas entendu si palpable cette vertu première du compositeur de Kreisleriana : l’exaltation.

Le ton change dans la Première Sonate, non que Baglini y renonce à l’urgence, mais il la dompte dans des phrasés sculptés larges, et qui parlent, vrais récitatifs d’opéra. Avec dans le Finale une conduite à la fois libre et impérieuse qui saisit tout de ce manifeste du romantisme. La Toccata peut danser ensuite, plus solaire qu’à l’habitude, postule éclatant à un des plus beaux albums Schumann qu’on ait croisés depuis longtemps. Espérons que Maurizio Baglini poursuivra avec Kreisleriana et Davidsbündlertänze.

LE DISQUE DU JOUR

cover-schumann-sonates-bagliniRobert Schumann (1810-1856)
Sonate pour piano No. 1
en fa dièse mineur, Op. 11

Sonate pour piano No. 2
en sol mineur, Op. 22

Presto appassionato (première version du Finale de la Sonate Op. 22)
Toccata en ut majeur, Op. 7

Maurizio Baglini, piano

Un album du label Decca 4812391
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Photo à la une : © Grazia Lissi