Extension du domaine

Itzhak Perlman, pour le nouvel album de ses soixante-dix ans, a décidé une fois de plus de ne pas se répéter. Sa discographie comporte très peu de redites, quasiment toutes consenties à Daniel Barenboim avec lequel il a ré-enregistré les Concertos de Beethoven, Brahms et Stravinski.

Il l’étend aujourd’hui à deux opus chambristes, la Première Sonate de Fauré et celle de Richard Strauss, retrouvant Emmanuel Ax avec lequel il avait signé en compagnie de Yo-Yo Ma de si poétiques Trios de Mendelssohn (Sony Classical).

Itzhak-Perlman--Emanuel-AxLa Première Sonate de Fauré connut-elle jamais archet si romantique ? Ce plein son, cette ardeur, cette plénitude du cantabile dans l’Andante ! Même Christian Ferras y déployait un timbre plus serré, un aigu plus affûté. Perlman, lui, rayonne, et Emanuel Ax joue large, timbrant, cherchant les lignes de fuites, créant des paysages atmosphériques, tout ce dont Fauré à besoin : être joué grand et plein.

Admirable, autant que la difficile Sonate de Richard Strauss, où les emprunts à Brahms tirent l’œuvre à la ligne si on refuse de les prendre au pied de la lettre. Perlman les enflamme, son violon en devient quasiment celui d’Une vie de héros, et Emanuel Ax éclaire son clavier, chante à égalité avec l’archet de son ami. Cette générosité du geste qui pourtant ne se déboutonne jamais me fait irrésistiblement penser à ce que Jascha Heifetz tirait de cette partition mal-aimée sinon aux Etats-Unis. Espérons que Perlman n’en a pas fini d’étendre son domaine – la Seconde Sonate de Fauré, celle de Lekeu, de Debussy et de Ravel attendent son violon.

LE DISQUE DU JOUR

cover strauss perlman dgg
Gabriel Fauré (1845-1924)
Sonate pour violon et piano
No. 1 en la majeur, Op. 13

Richard Strauss (1864-1949)
Sonate pour violon et piano
en mi bémol majeur, Op. 18

Itzhak Perlman, violon
Emanuel Ax, piano

Un album du label Deutsche Grammophon 4811774
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Photo à la une : © Lisa-Marie Mazzucco