Belle idée, capter Joyce DiDonato et Antonio Pappano sur le vif dans la bonbonnière de Wigmore Hall qui porte si bien les voix et où le récital de chant est chez lui.
Cela commence sérieux, Haydn a abandonné Ariane comme il se doit à Naxos , mais je doute qu’il eut jamais pensé avoir une chanteuse qui puisse animer sa langue pré-romantique avec une telle sensibilité et en y déployant un art du récitatif dramatique aussi clouant. Puis, deux romances de Rossini, Belta crudele enlevée avec tendresse, La Danza rendue à sa verve populaire, commencent à nous faire prendre la tangente.
Finalement, ce sera le charme et pas la tragédie, et le charme le plus capiteux avec les Canti della sera de Francesco Santoliquido, bref cycle datant de 1908 où le jeune-homme distille un art décadent d’une subtilité entêtante. Quel compositeur ! Comment peut-il rester aussi méconnu, alors qu’il fut un des héros de cette nouvelle musique italienne qui voulait aussi exister en dehors de l’opéra, rien moins que l’héritier spirituel de Martucci ? Mystère que ne suffisent pas à expliquer ses accointances avec le régime de Mussolini.
Un De Curtis glamour nous conduit l’air de rien à Broadway : Foster, Kern, Nelson, Dougherty, Berlin, Rodgers : voilà toute la bande avec ses plus beaux succès, mais DiDonato choisit plutôt la poésie que le show et elle a bien raison, la nostalgie lui va naturellement. Pappano est le plus musicien des partenaires, si loquace à son piano alors qu’il n’est que professionnel devant son orchestre la plupart du temps.
Dans cette mer de tendresses et de voluptés, ils mettent deux fois le feu : avec l’ironique – et si délicat à régler – Amor de William Bolcom, mais surtout avec l’irrésistible Food for Thought tiré de Magdalena, la comédie que Villa-Lobos écrivit pour Broadway en 1948. Tiens, justement et si Joyce demain allait visiter les compositeurs cubains et brésiliens : son abattage y trouverait un répertoire à sa mesure !
LE DISQUE DU JOUR
Joyce & Tony
Live at Wigmore Hall
Œuvres de Irving Berlin, William Bolcom, Ernesto de Curtis, Celius Dougherty, Stephen Foster, Haydn, Jerome Kern, Jerome Moross, Havelock Nelson, Richard Rodgers, Rossini, Santoliquido, Villa-Lobos
Joyce DiDonato, mezzo-soprano
Antonio Pappano, piano
Un album de 2 CD du label Erato 0825646107896
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Photo à la une : © Pari Dukovic