Benedictus

Octobre 1974, Musikverein de Vienne : Karl Böhm enregistre la Missa Solemnis de Beethoven, avec un quatuor de rêve : Margaret Price, Christa Ludwig, Wieslaw Ochman, Martti Talvela et le violon de Gerhard Hetzel, seulement depuis deux ans le Konzertmeister des Wiener Philharmoniker.

Lors de sa parution, le microsillon laissa la critique froide, et tomba vite dans l’oubli. Les plumes les plus autorisées, des deux côtés du channel, en profitèrent pour rappeler à quel point l’enregistrement d’Otto Klemperer avec les forces du Philharmonia continuait de dominer la discographie.

Karl-Boehm----by----UNITEL

L’affaire était entendue, le disque disparu, fut fugitivement et imparfaitement réédité en CD par Universal France dans une série économique assez aventureuse, tout le monde s’agenouillait devant Saint Klemperer, et les plus méchants (les plus incultes surtout) rappelaient que si Böhm était chez lui en Mozart, Beethoven, vraiment, lui échappait.

Je riais de ces anathèmes et du haut de mes treize ans radieux, j’écoutais et réécoutais ce qui était devenu d’autant plus « ma » Solemnis qu’on me battait froid dès que j’en parlais. Je ne m’en suis jamais dépris. J’ai même racheté un second coffret lors d’un séjour à Constance, alors que le disquaire voulait absolument me vendre à la place l’enregistrement de Toscanini. Même dans son pays, Böhm était à l’amende !

Ce second exemplaire me durait encore l’été dernier, mais le Benedictus où mes deux anges personnels Gerhard Hetzel et Margaret Price descendaient des nuées pour m’apaiser, en était usé jusqu’à la trame. Une édition CD avait bien parue au Japon, mais je l’avais manquée.

Ce lundi, la nouvelle version en SHMCD m’arrivait de l’Empire du Soleil Levant. Reproduction de la pochette d’origine avec son Christ pantocrator, et dès le premier CD posé dans la platine, l’émerveillement d’un son admirable de profondeur, de chaleur, d’intensité.

Comme pour l’intégrale des Mahler de Kubelik, le transfert SHMCD avait encore fait des miracles : la musique en irradiait, aussi incarnée que par les microsillons mais sans leurs défauts de pressage.

Vous ne trouverez pas un quatuor aussi parfaitement uni, et somptueux, ni une direction aussi spirituelle. Böhm retrouve là l’étiage céleste auquel il était parvenu dans son légendaire Requiem de Mozart pour Deutsche Grammophon. Version déjà dans l’au-delà à laquelle les Chœurs de l’Opéra de Vienne donnent une bouleversante humanité.

Et Klemperer alors ? Plutôt que le tombeau de marbre qu’il érigea avec le Philharmonia, trouvez le concert au Concertgebouw en 1957 édité par Archipel, où Schwarzkopf s’enflamme littéralement. En tout l’exact opposé du geste serein de Böhm, mais tout aussi fascinant.

LE DISQUE DU JOUR

solemnisbohmLudwig van Beethoven (1770-1827)
Missa Solemnis

Margaret Price, soprano
Christa Ludwig, contralto
Wieslaw Ochman, ténor
Martti Talvela, basse
Wiener Philharmoniker (Gerhard Hetzel: violon solo)
Karl Böhm, direction

Un album de 2 SHMCD du label Deutsche Grammophon (Japon) 4379252

Photo à la une : (c) DR (Deutsche Grammophon)