The Young Neumann

Aubaine : Supraphon regroupe en une mince boîte de 6 CD les premiers enregistrements que lui consentit Vaclav Neumann entre 1953 et 1956. Alors dans sa trentaine, déjà chef invité à la Philharmonie Tchèque où régnait Karel Ancerl dont il sera le successeur en 1968 en des temps particulièrement troublés, Neumann développait un style clair, énergique, débarrassé de tout pathos, pas si éloigné que cela d’ailleurs de celui adopté justement par Ancerl.

Avec une dimension supplémentaire, un lyrisme qui fait merveille dans les Troisième et Sixième Symphonies de Schubert, ou dans la parenthèse tendre au cœur du Finale de la Troisième Symphonie de Roussel. Soudain cet art se déploie au lieu de tonner, le discours horizontal s’épanouit, sans aucun maniérisme pourtant.

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Le chef d’orchestre tchèque Vaclav Neumann, un interprète en particulier émérite dans les oeuvres orchestrales de Dvorák et Mahler.

Le sens des couleurs éclate dans les deux gravures rousseliennes où l’Orchestre Symphonique de Brno se surpasse par la précision des rythmes et l’alacrité du jeu. Comme tout attaque, comme tout rayonne, autant dans la Symphonie que dans les tableaux narratifs successifs de la Seconde Suite de Bacchus et Ariane. Ces gravures n’étaient pas inconnues, on les avait vues paraître en série économique, couplées avec le tranchant Festin de l’Araignée selon Smetacek, disque Roussel aussi majeur que peu distribué.

Mais la réédition proposée aujourd’hui par Supraphon lui rend ses dynamiques impérieuses qui permettent de mieux en saisir la mordante fantaisie. Autre œuvre au rayon français, les Oiseaux exotiques et le Réveil des oiseaux de MessiaenYvonne Loriod trouve dans les timbres verts de la Philharmonie Tchèque des couleurs assorties à son clavier, Neumann jouant la sécurité, donc le métronome.

Trois symphonies de Dvorák (1, 2 et 4) et les Suites de Peer Gynt documentent sa collaboration avec l’Orchestre Symphonique de Prague dont il fut le directeur musical de 1956 à 1963 : geste un peu sec, orchestre trop limpide ? Quelque chose nous manque. Des raretés en complément : une orchestration des Saisons de Tchaïkovski, la Symphonie vocale de Sommer, belle partition à découvrir, le Silentium Turbatum de Borkovec n’ajoutant rien.

Disque majeur de l’ensemble, l’album Mahler avec le mezzo sombre de Vera Sokupova, voix mince de diseuse qui fait leur poésie déchirante, pourtant le contraire absolu pour la couleur et l’étoffe d’une Ferrier ou d’une Forrester.

Les Kindertotenlieder sont demeurés justement célèbres, les voici enfin rendus dans toute leur présence expressive. Des documents passionnants, en rien une somme pourtant. Mais un portrait vivant de Neumann posant les règles de son art.

LE DISQUE DU JOUR

Sestava 1Vaclav Neumann
The Early Recordings
Œuvres de Dvorák, Grieg, Mahler, Messiaen, Roussel, Schubert,  Tchaikovsky, etc.

Orchestre Philharmonique Tchèque,
Orchestre Symphonique de Prague

Vaclav Neumann, direction

Un coffret de 6 CD Supraphon SU4133-2

Photo à la une : (c) DR/University Musical Society – avec le violoncelliste Julian Lloyd Webber (à gauche), durant l’enregistrement du Concerto pour violoncelle No. 2 en si mineur d’Antonin Dvorák.