Le Trésor du Géant

Incroyable la résurrection de la manne sonore radiophonique engrangée par Günter Wand auprès des diverses antennes allemandes ! Hänssler/Profil la publie à mesure dans une gigantesque « cdthèque » qui vient de s’enrichir de deux opulents albums dédiés aux enregistrements hambourgeois. Captations complémentaires à celles déjà publiées par RCA, en général plus tardives mais pas toujours.

Sujet essentiel : Bruckner avec les Symphonies 3, 4, 5, 7, 8 et 9. Un mot de l’orchestre. Entre 1985, date de la captation de la 3e et 2000 où fut enregistrée une 9e venue d’un autre monde, les musiciens de la NDR ont atteint à un degré de fusion qui les a transfigurés.

Littéralement Günter Wand en joue comme d’un orgue ce que d’ailleurs donnaient à voir les concerts filmés : il semblait tirer un à un des jeux imaginaires. Le secret d’un discours si naturel : l’harmonie. Comme Sergiu Celibidache – on comparera avec intérêt leurs codas respectives de la 4e SymphonieWand fait entendre toute la colonne harmonique, créant un aveuglant rayonnement sonore. Il recherche aussi, même s’il respecte à la lettre les indications d’élargissement de la mesure notées par Bruckner, une stabilité du tempo d’ensemble que les trois autres grands brucknériens, Wilhelm Furtwängler, Eugen Jochum et Georg Tintner refusèrent.

Günter Wand, jusqu’à la fin de sa vie, aima les répétitions : on se souvient qu’il avait demandé douze services à l’occasion de son premier concert avec l’Orchestre Symphonique de Chicago. C’est qu’il devait leur faire produire sa sonorité. L’équilibre parfait obtenu avec les hambourgeois ne l’empêcha pas de continuer ses répétitions fleuves, jouer, rejouer Bruckner comme lire, relire un grand texte sacré.

La 9e Symphonie de 2000 atteint à un degré supplémentaire, il y a dans ses phrasés hors du temps une supplique, puis ex-abrupto une rage. Admirable, comme déjà les autres Bruckner rassemblés ici – la 8e est incroyable de lumière – mais étreignant soudain, parlant la langue de l’émotion, et pas si éloigné que cela de l’ultime 9e de Claudio Abbado à Lucerne.

Hors Bruckner, on savourera une solaire Posthorn de Mozart, et une subtilement lyrique 40e, des lectures presque échevelées des quatre Symphonies de Brahms – plus d’une fois on pense à Furtwängler ! – un très classique Premier Concerto de Tchaïkovski avec Bolet et quelques gravures de moindre calibre, notamment un assez prosaïque Concerto de Schumann en grande part à cause du clavier bien épais de Gerhard Oppitz. Et une réussite majeure : des Tableaux d’une exposition expressionnistes qui nous rappellent que Wand fut dans son jeune temps un zélateur de la musique contemporaine, voir de l’avant-garde.

LE DISQUE DU JOUR

cover wand ndr sinfonieorchester bruckner profilBRUCKNER
Symphonie No. 4 en mi bémol majeur; Symphonie No. 5 en si bémol majeur
BRAHMS
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68 ; Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 73 ; Symphonie No. 3 en fa majeur, Op. 90 ; Symphonie No. 4 en mi mineur, Op. 98
MOUSSORGSKI
Tableaux d’une exposition
TCHAÏKOVSKI
Concerto pour piano No. 1 en si bémol mineur, Op. 23
Jorge Bolet, piano
NDR-Sinfonieorchester
Günter Wand, direction
Un coffret de 5 CD Hänssler/Profil PH12043

cover wand ndr sinfonieorchester bruckner 2 profil
Vol. 2
BRUCKNER
Symphonie No. 3 en ré mineur ; Symphonie No. 7 en mi majeur ; Symphonie No. 8 en ut mineur ; Symphonie No. 9 en ré mineur
MOZART
Sérénade « Posthorn » ; Symphonie No. 40 en sol mineur KV. 550
HAYDN
Concerto pour hautbois
SCHUMANN
Concerto pour piano en la mineur, Op. 54
Gerhard Oppitz, piano
NDR-Sinfonieorchester
Günter Wand, direction
Un coffret de 5 CD Hänssler Profil PH12044

Photo à la une : (c) DR