Tamino vient de nous quitter alors qu’un transfert magique de sa Zauberflöte reparaît. Comment, mon Tamino ne serait pas Fritz Wunderlich ? Non, en tous cas pas seulement. Gamin Continuer la lecture de Tamino s’envole
Archives par mot-clé : Otto Klemperer
Danse avec la mort
7 décembre 1987, Laiezhalle, Hambourg, Kurt Sanderling, soixante-quinze ans, revient à la 9e Symphonie de Gustav Mahler. Georges Sebastian, dont il fut l’assistant à la Radio de Moscou, lui avait fait découvrir cette œuvre dans une partition annotée par Bruno Walter : il n’était alors pas question de diriger Mahler en U.R.S.S., Staline se serait étouffé, Sanderling ne le fera d’ailleurs qu’une fois installé à Berlin-Est, gravant plus tardivement encore les trois opus ultimes : sa version du Chant de la Terre, avec l’immense Birgit Finnilä, est aussi peu connue que mémorable, sa lecture objective de la 10e Symphonie fascinait Rudolf Barshaï, son premier enregistrement de la 9e Symphonie au disque, si distant, déconcertait. Il allait plus loin dans l’œuvre à la BBC en concert, alors qu’y revenant au studio avec le Philharmonia, l’épure s’imposait trop.
La publication assez inespérée de ce concert hambourgeois montre à quel point la logique de sa direction l’éloigne justement du geste lyrique de Bruno Walter : cet orchestre minéral fait plutôt songer à celui qu’y déployait Klemperer, alors que la maîtrise de la forme, la compréhension immédiate des arcanes du texte ne se retrouve selon moi que chez Michael Gielen.
En 1987, au sommet de son art, tout semble évident dans cette musique pour Sanderling, le geste est fulgurant, le pathos disparaît derrière le feu roulant d’un orchestre impérieux, conquérant, où déjà s’immiscent les paysages stupéfiants de la 10e Symphonie. C’est la musique de l’avenir qui se déroule dans le fugato de la flûte et du cor, et dans toute le vaste Adagio, porte ouverte sur un cosmos silencieux qu’Abbado lui aussi trouvera. Mais les deux scherzos sont à l’opposé, univers noirs, fermés, acides, persiffleurs, le chef danse avec sa mort, lui tient la dragée haute, combat terrible que Mahler n’aurait pas pu imaginer entendre à ce degré de réalisme sonore.
Oui, Sanderling fut un génie, et sa rencontre avec cette symphonie ce soir-là à Hambourg, un moment historique.
LE DISQUE DU JOUR
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 9
NDR-Sinfonieorchester
Kurt Sanderling, direction
Un album du label Hänssler/Profil PH17007
Acheter l’album sur le site www.uvmdistribution.com, ou sur Amazon.fr
Photo à la une : © DR
Vers l’immense
Le label de l’Orchestre Philharmonique de Londres s’est engagé dans la restitution complète du legs enregistré en concert par Klaus Tennstedt. Hier une Pastorale avait dévoilé les affinités électives liant le chef allemand à la plus lyrique des partitions Continuer la lecture de Vers l’immense
Ressuscité
Le plus grand disque d’Otto Klemperer ?
Selon moi oui.
Il faut dire que lorsqu’il entre au Kingsway Hall le 23 septembre 1961 pour diriger les premières sessions de son nouvel enregistrement de la Deuxième Symphonie de Gustav Mahler – il l’avait gravée une première fois au temps de la Continuer la lecture de Ressuscité
Pour Claudio
Le 20 janvier 2014, Claudio Abbado s’éteignait à Bologne. L’onde de choc qui parcourut le monde musical ne s’est pas encore dissipée, la preuve : Iván Fischer rend explicitement hommage à celui qui fut son ami en publiant aujourd’hui sa version de la 9e Symphonie de Gustav Mahler enregistrée le 30 novembre et les 1er et 2 décembre 2013.
Réponse évidente au concert donné par Abbado avec l’Orchestre du Festival de Lucerne à l’été 2010 et qui constitua son réel ultima verba artistique, même si d’autres concerts ont suivi.
Une copie ? Non, mais comment ne pas noter la proximité des conceptions musicales – orchestre allégé et pourtant profond, symphonie de timbres regardant sans ambigüité vers la Seconde École de Vienne (le concertato de la flûte et du cor à la fin de l’Andante comodo semble écrit par Webern, comme jadis dans l’enregistrement d’Otto Klemperer avec le Philharmonia Orchestra), discours serein dans les deux mouvements externes qui triomphent chacun d’une façon différente de la mort, et surtout cette même grammaire fluide, qui cherche la ligne de fuite, ouvre le cadre.
Avec une différence notoire dans les deux Scherzo. Abbado les dirigeait toujours sur les pointes, élégants, épurés, formels, Iván Fischer s’y montre ironique, coupant, mordant, avec cette pointe de fantaisie qui produit une kyrielle d’accents inventifs dans la guirlande de Ländler, et soudain, cette violence noire pour le Rondo, où un violon quasiment tzigane emporte tout l’orchestre dans une éreintante danse des morts. Question de culture : l’art d’Iván Fischer est immergé dans cette Mitteleuropa de culture judaïque, il se saisit du propos de Mahler, l’incarne in extenso. Je n’avais pas entendu une telle ironie depuis la gravure plus sèche de Karel Ancerl.
Mais pour les ultimes pages de l’Adagio, où la musique se fait silence, Fischer rejoint la pureté du geste d’Abbado, qui disait y entendre le son que fait la neige tombant sur la neige.
Ce disque me laisse sans voix. Écoutez-le.
LE DISQUE DU JOUR
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 9 en ré majeur
Orchestre du Festival de Budapest
Iván Fischer, direction
Un album du label Channel Classics CCS SA36115
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Photo à la une : (c) DR